abeille pesticides

Nombreux sont les agriculteurs et viticulteurs qui affirment ne plus pouvoir se passer de pesticides. Selon eux toute diminution ou arrêt de leur utilisation conduirait à un effondrement de la rentabilité des cultures. Mais est-ce (toujours) vrai ? Nous avons posé « 1 question » à Vincent Bretagnolle, écologue, directeur de recherche CNRS au Centre d’études biologiques de Chizé.

«  Dans les filières conventionnelles, agriculteurs et viticulteurs utilisent des pesticides pour contrôler, voire éliminer les ravageurs des cultures afin d’améliorer ou garantir leurs rendements. Ces ravageurs peuvent être par exemple des insectes ou des plantes adventices en compétition avec la plante cultivée.

Pas d’augmentation de rendements

Depuis leur arrivée sur le marché français, les pesticides ont été utilisés massivement. L’équipe du Centre d’études biologiques de Chizé mène depuis de nombreuses années des études empiriques dans les champs de la Zone Atelier Plaine & Val de Sèvre tout en collaboration étroite avec les agriculteurs installés sur cette zone*. Et nous avons eu la surprise de constater une absence de corrélation entre utilisation d’herbicides et augmentation des rendements en blé, mais aussi en colza. Pas plus qu’il n’y a de relation entre la quantité de plantes adventices recensées et les rendements.

Pour conforter ces résultats, nous avons ensuite expérimentalement prouvé qu’il était possible de réduire les herbicides de 30 voire 50% sans modifier les rendements en blé. Ces expérimentations ont été répliquées sur 5 ans et d’autres cultures, avec les mêmes résultats à la clé. Ce sont évidemment des résultats en moyenne car il existe une grande variabilité entre exploitants et parcelles. Mais ces expérimentations démontrent qu’il est possible de réduire l’utilisation des pesticides !

Pas de relation entre pesticides et revenus

Une autre étude expérimentale menée à grande échelle nous a permis de vérifier que les abeilles rendent plus de services aux cultivateurs de colza et de tournesol que les solutions proposées par l’agrochimie. Concrètement lorsque l’on multiplie par 100 le nombre d’abeilles sauvages et domestiques présentes sur les parcelles de colza et de tournesol, les rendements augmentent de + 35% à l’échelle de la parcelle. Cette augmentation se traduit par un bénéfice de 110 à 240 euros par hectare en colza. Ceci dit, multiplier par 100 le nombre de pollinisateurs sur ses parcelles n’est pas facile : il faut réduire l’utilisation des pesticides et des herbicides, mais aussi maintenir ou replanter des haies, des bandes enherbées, des prairies, des bosquets…

La réponse est donc clairement non : les pesticides n’améliorent pas toujours les rendements ni les revenus des agriculteurs. Il faut sortir de ce schéma de pensée et mettre en place d’autres pratiques. C’est faisable! Les agriculteurs bio y arrivent déjà. Et leurs revenus sont globalement meilleurs que ceux des agriculteurs travaillant de manière conventionnelle, même en grandes cultures. La Nouvelle-Aquitaine s’est engagée à sortir des pesticides de synthèse d’ici 2030. En redonnant de la place à la biodiversité on peut y arriver, mais il est urgent d’agir avant qu’elle n’ait trop décliné ! »

Propos recueillis par Alexandrine Civard-Racinais

* Cette vaste plaine céréalière, située au sud de Niort, s’étend sur 450 km2 autour de l’Unité CNRS de Chizé qui l’étudie depuis 25 ans. Elle comprend environ 450 exploitations agricoles et 13000 parcelles agricoles, cultivées de manière conventionnelle ou biologique.

 

 

Article publié sous le contrôle et la responsabilité
éditoriale du directeur de la publication de Curieux !

Licence CC BY-NC-ND Cet article est sous licence CC BY-NC-ND : Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification
Fermer la popup
?>