Les écrans qui envahissent notre quotidien ont des méfaits sur le cerveau des enfants et des adolescents. Qu’en est-il plus particulièrement de l’usage de Facebook, Instagram, Snapchat et autres Twitter ? Le point avec le neuroscientifique Michel Desmurget, auteur de La Fabrique du crétin digital
Vous avez passé l’après-midi à liker des photos de chats sur Facebook, à répondre à des messages sur Messenger ou à publier vos derniers clichés sur Instagram et vous culpabilisez ? Vous avez raison !
« Certes, des études scientifiques montrent un effet positif des réseaux sociaux lorsque ceux-ci sont utilisés pour un usage académique comme un travail scolaire en groupe, explique Michel Desmurget, directeur de recherche au CNRS à Lyon. Mais de nombreuses autres dévoilent un impact négatif lorsqu’on s’en sert pour un usage récréatif ».
Cela vaut pour tous les écrans (smartphone, tablette, télévision, ordinateur, etc) : plus les enfants, adolescents et étudiants passent de temps avec leurs « doudous numériques », plus leurs résultats scolaires chutent. Cet effet écran s’observe dès une heure par jour voire même dès 30 minutes dans certaines études.
Les écrans sapent les interactions humaines, le langage, la concentration
Pire, l’action néfaste des écrans et des réseaux sociaux s’étend bien au-delà de la sphère scolaire. « Ils frappent aussi le langage, la concentration, la mémoire, l’intelligence, la sociabilité, le contrôle des émotions », met en garde Michel Desmurget.
Par ailleurs, plusieurs études montrent que le comportement de multitâche, très présent avec les réseaux sociaux ancre l’inattention et l’impulsivité au cœur de nos habitudes comportementales. Et plus intimement, de notre fonctionnement cérébral ! En d’autres termes, « plus le cerveau en développement est soumis au multitâche, plus il devient perméable à la distraction. Plus il fait de choses à la fois, moins il est performant, moins bien il apprend et moins bien il mémorise », indique Michel Desmurget. Trop d’images, de sons et de sollicitations diverses semblent même créer des conditions favorables à la survenue de déficits de concentration et de symptômes d’hyperactivité.
Les réseaux sociaux multiplient par 3,5 le risque de mal dormir
Un travail réalisé chez des jeunes de 11 à 13 ans a montré que l’usage fréquent d’outils numériques avant le coucher augmentait la probabilité d’avoir des nuits incomplètes avec un éveil prématuré. Le risque était précisément multiplié par 3,5 pour les réseaux sociaux contre 4,1 pour la télévision, 2,9 pour le téléphone portable et 2,7 pour les jeux vidéo.
Or, les troubles du sommeil augmentent les risques de troubles émotionnels. Cela explique sans doute, pour une part, les résultats de recherches liant consommations numériques et augmentation des troubles anxieux, dépressifs ou même suicidaires.
En outre, les consommations numériques récréatives augmentent la sédentarité, l’obésité, le tabagisme et l’alcoolisme. En cause l’omniprésence sur les réseaux sociaux des publicités pour le tabac, l’alcool et la malbouffe.
Au vu de ces nombreux effets néfastes, rien d’étonnant donc à ce que Chamath Palihapitiya interdise à ses enfants d’ « utiliser cette merde ! ». Cet ancien vice-président en charge de la croissance et de l’audience chez Facebook et cadre repenti déclare même aujourd’hui se sentir « immensément coupable ».
« Préférer les usages éducatifs formateurs aux usages ludiques défavorables »
Que faire ? « Résister, même si c’est dur », recommande vivement Michel Desmurget qui y est parvenu avec ses deux enfants. « Il ne s’agit pas d’interdire tout accès numérique, mais de s’assurer que les temps d’usage soient maintenus sous le seuil de nocivité. Et de préférer les usages éducatifs formateurs aux usages ludiques défavorables ».
Il va s’agir, pour les parents, de mettre en place des règles précises ou plutôt un contrat de consommation. Le tout en responsabilisant, en expliquant, en contraignant si besoin au respect du contrat et… en montrant l’exemple ! « Ce n’est ni simple, ni immédiat car c’est toute l’écologie familiale qu’il faut alors réorganiser », prévient l’expert. Mais le jeu en vaut la chandelle.
Privés de leurs écrans, « armes de distraction massives », les ados se (re)mettent à lire, à jouer du piano, à promener le chien, à faire la cuisine, à parler avec leurs parents, à dormir davantage, etc.
Ils se (re)mettent à…vivre ! Et une fois grands, beaucoup remercieront leurs parents.
Florence Heimburger
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