Des chercheurs japonais viennent de réussir à éliminer, in vitro, le troisième chromosome 21 dans des lignées cellulaires de trisomie 21, grâce à la technique des « ciseaux moléculaires ». Ces travaux suscitent l’espoir d’une thérapie cellulaire, mais de nombreux obstacles restent à surmonter
La trisomie 21 touche environ 500 nouveau-nés chaque année en France, et 50 000 personnes sont porteuses de cette anomalie génétique. Elle est causée par la présence dans les cellules d’un troisième chromosome 21. Cela entraîne des troubles variés : déficience intellectuelle, malformations (cardiaques, digestives, rénales…), hypotonie musculaire, hyperlaxité des ligaments, vieillissement prématuré (vue, ouïe, Alzheimer, etc.), etc. Grâce aux progrès médicaux, l’espérance de vie des personnes porteuses atteint aujourd’hui environ 60 ans.
Pour l’heure, le principal facteur de risque identifié est l’âge maternel avancé.
Une avancée scientifique grâce aux ciseaux moléculaires CRISPR-Cas9
L’équipe du professeur Ryotaro Hashizume vient de démontrer qu’il est possible d’éliminer, in vitro, le chromosome 21 surnuméraire en utilisant les « ciseaux génétiques » CRISPR-Cas9. Les chercheurs ont appliqué cette technique à des cellules de peau reprogrammées en cellules souches porteuses de trisomie 21. Ils sont parvenus à supprimer le chromosome excédentaire sans altérer le reste du génome, comme ils l’expliquent dans la revue PNAS NEXUS. Leur objectif à terme : corriger les déficits cognitifs associés, en ciblant les neurones et les cellules gliales.
Une avancée prometteuse mais lointaine qui soulève des questions éthiques
Que penser de ces résultats ? « C’est, a priori, une très belle avancée, très prometteuse. Toutefois, il reste beaucoup à faire avant l’application clinique, souligne Élise Saunier-Vivar, directrice de la recherche à la Fondation Jérôme Lejeune, spécialisée dans la recherche et soins pour la trisomie 21 et autres déficiences intellectuelles génétiques. Ces travaux n’ont été menés pour l’heure qu’in vitro. Si elles étaient menées en laboratoire sur l’embryon, ces technologies poseraient des problèmes éthiques : quel risque de racisme chromosomique, d’eugénisme ? J’ajoute qu’il y a des risques que ces « ciseaux génétiques » ne se placent pas aux endroits souhaités et que cela entraîne des anomalies imprévues. Il faut envisager ces risques et les mesurer. La balance bénéfices/risques doit toujours être favorable. »
Autres pistes : inhibiteurs de gènes, injection d’hormones…
En parallèle, d’autres essais sont en cours dans le monde, et ciblent les troubles cognitifs liés à la trisomie 21. En France, la société Perha Pharmaceuticals teste un médicament inhibant l’enzyme issue du gène DYRK1A pour améliorer les capacités cognitives. La Fondation Jérôme Lejeune porte également un projet d’inhibition du gène CBS, lui aussi impliqué dans la déficience intellectuelle.
Autre piste : la société Aelis Farma évalue une molécule régularisant le neurotransmetteur GABA (gamma-aminobutyric acid), en excès dans le cerveau des personnes concernées. Une première étude clinique sur 29 adultes a montré des bénéfices comportementaux et cognitifs. En attente de confirmation par une étude internationale.
D’autre part, une équipe franco-suisse explore également l’injection de gonadolibérine (GnRH), une hormone dont la production est perturbée dans la trisomie 21. Après six mois de traitement, les chercheurs ont observé une amélioration des fonctions cognitives.
Lutter contre les apnées du sommeil
Enfin, Élise Saunier-Vivar souligne un autre espoir concret : « Le programme de recherche Respire 21 conduit par l’institut Jérôme Lejeune et l’Hôpital Necker-enfants malades à Paris a montré qu’il est possible d’améliorer le développement neurocognitif et socio-adaptatif des enfants en diagnostiquant précocement et en traitant le syndrome d’apnées obstructives du sommeil. Ce syndrome touche 97 % des enfants porteurs de trisomie 21 dès l’âge de 6 mois. »
De nombreuses pistes d’espoir donc pour les personnes porteuses « d’un p’tit truc en plus » et leurs familles.
Florence Heimburger