3 QUESTION À Yixin Shen, chercheuse à l’Inria. Elle travaille sur un domaine d’avenir : la cryptanalyse post-quantique. L’objectif est de rendre la cryptographie plus sûre et robuste. Pour cela, elle étudie les systèmes  actuels pour définir s’ils résisteraient à une attaque quantique et définit une stratégie de renforcement de ces systèmes. L’objectif : les rendre résistants dès que l’ordinateur quantique sera une réalité. Explications

1 – A quoi sert la cryptographie et on en trouve-t-on ?

Il y a trois fonctionnalités de base pour la cryptographie que l’on appelle CIA pour confidentialité, intégrité et authentification. La confidentialité, c’est que l’on ne veut pas qu’une tierce partie puisse lire un message envoyé à un interlocuteur. C’est le cas avec les messageries chiffrées comme WhatsApp ou Signal où même l’application ne peut pas accéder au message.

L’intégrité car on veut s’assurer que les données envoyées ne puissent pas être modifiées pendant la transmission. C’est utile dans le cadre d’échanges bancaires. L’authentification est importante car, quand on échange avec une personne, on veut être sûr et certain que c’est cette personne et pas une autre. C’est le cas quand on retire de l’argent à un distributeur : la machine vérifie que c’est bien nous avec la signature de la carte bancaire.

Il y a aujourd’hui des usages plus avancés. On fait beaucoup de calculs sur les cloud, et on veut garantir que ces serveurs ne connaissent pas nos calculs. Pour cela, il faut que les serveurs puissent faire des calculs sur des données chiffrées et nous renvoyer le tout sans connaître nos calculs. C’est le chiffrement homomorphe.
Aujourd’hui tout l’internet utilise la cryptographie.

2 – Comment améliorer la sécurité de la cryptographie ?

Pour cela, on doit effectuer de la cryptanalyse. La sécurité des protocoles cryptographiques (chiffrement, etc.) est le plus souvent basée sur des problèmes mathématiques  potentiellement difficiles à résoudre si un tiers malintentionné n’a pas la clef secrète. On essaye de trouver des meilleurs algorithmes pour résoudre ces problèmes. Si on y parvient, le système est alors cassé.

Les systèmes de cryptographies sur internet sont cassables par un ordinateur quantique mais difficiles pour un ordinateur classique. Pour cela, on étudie un domaine appelé la cryptographie post-quantique : on veut remplacer tout ce qu’on utilise actuellement par d’autres systèmes dont la sécurité est basée sur d’autres types de problèmes mathématiques. Ce n’est plus des factorisations d’entiers ou des logarithmes discrets mais cela peut être des problèmes qui sont utilisés dans des réseaux euclidiens ou des codes correcteurs d’erreurs, etc.
L’objectif est de rendre ces cryptographies plus compliquées pour les ordinateurs quantiques. Mais pour en être certain, il faut continuer à chercher des meilleurs algorithmes pour les résoudre. Je travaille sur les nouveaux systèmes de cryptographie pour définir s’ils tiendraient face à une attaque quantique et définit une stratégie de renforcement de ces systèmes. L’objectif est de  s’assurer qu’ils seront résistants dès que l’ordinateur quantique deviendra une réalité. 

3 – Quel parcours vous a amené à devenir chercheuse à l’Inria ?

J’ai grandi en Chine avant de venir en France pour faire une classe préparatoire à Louis-Le-Grand. Ensuite, j’ai réussi à intégrer polytechnique. J’ai suivi un parcours de maths et d’informatique. La cryptographie étant un domaine qui est entre les deux, je me suis intéressée au sujet. J’ai réalisé un master d’informatique fondamentale où j’ai suivi des cours de cryptographie et d’algorithme quantique. Après un stage chez Orange où j’ai travaillé sur des sujets de cryptographie, j’ai fait une thèse dans un laboratoire sur les algorithmes quantique. Après un post-doctorat au Royal Holloway University of London, j’ai intégré l’Inria Rennes au sein de l’équipe CAPSULE.

Il ne faut pas avoir peur de se diriger vers les filières scientifiques quand on est une jeune femme. Nous sommes nombreuses, ce qui prouve que l’on est tout autant capables que les hommes !

Propos recueillis par Alexandre Marsat

Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

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