La Ligue contre le cancer, Foodwatch et Yuka ont demandé l’interdiction de l’aspartame ce 4 février 2025, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le cancer. La consommation de cet édulcorant artificiel est associée à de multiples risques. Le point par Curieux

Depuis sa découverte en 1965, l’aspartame largement utilisé dans l’industrie alimentaire n’en finit plus de défrayer la chronique. Autorisé aux États-Unis par la Food and drug administration en 1974, il fut suspendu un an plus tard pour cause d’effets toxiques et cancérogènes sur le cerveau. Avant d’être ré-autorisé, puis autorisé depuis 1988 en France et en 1994 en tant qu’édulcorant. Il est depuis régulièrement remis en question comme nous l’indiquions dans cet article « La consommation d’édulcorants augmenterait les risques de cancer ».

Dernier rebondissement en date : le 4 février 2025, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le cancer, la Ligue contre le cancer, l’ONG Foodwatch et l’application Yuka ont conjointement appelé à l’interdiction de l’aspartame (E951) et lancé une pétition qui a déjà récolté plus de 63 000 signatures à l’heure où nous écrivons ces lignes et sera envoyée à la Commission européenne et aux États membres. Ces organismes soulignent les risques potentiels pour la santé associés à sa consommation, notamment en matière de cancer (du poumon chez l’animal, du sein chez l’humain, et peut-être du foie – hépatocarcinome).

Un édulcorant présent dans 6000 produits

En raison de son pouvoir sucrant environ 200 fois supérieur à celui du saccharose, il est utilisé pour remplacer le sucre dans une grande variété de boissons, aliments à faibles apports caloriques, médicaments et dentifrices. Ainsi, l’aspartame est présent dans plus de 6000 produits, notamment les sodas « light », les chewing-gums sans sucre et autres desserts allégés.

Depuis son introduction sur le marché, l’aspartame fait l’objet de débats concernant ses effets sur la santé humaine. Plusieurs études ont suggéré un lien entre la consommation d’aspartame et divers problèmes de santé. Notamment une étude menée par l’équipe de Mathilde Touvier à l’Inserm, l’Inrae et l’université Sorbonne Paris Nord, publiée le 24 mars 2022 dans la revue Plos Medicine.

Établie sur le suivi de plus de 100 000 adultes en France depuis 2009, elle révèle que la consommation d’édulcorants (aspartame, acésulfame K et sucralose) même faible (consommation quotidienne d’une demi-canette « zéro » sur la période étudiée : 2009 à 2023) était associée à un risque accru de développer un cancer, tous types de cancers confondus. En outre, les derniers résultats issus de la cohorte épidémiologique NutriNet-Santé, publiés en 2022 dans le British Medical Journal, suggèrent que leur consommation serait également associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires. Toutefois, d’autres études doivent confirmer ces résultats.

De nombreux effets sur la santé et même une prise de poids

Le comble ? Selon une étude de l’Inrae sur l’animal, les édulcorants intenses ne seraient pas associés à une perte ni à une stabilisation du poids, objectifs initiaux de leur utilisation ! Au contraire, ils feraient grossir. En 2015, l’Anses avait confirmé que « les études disponibles ne permettent pas de prouver que la consommation d’édulcorants présente un intérêt sur le contrôle du poids ».

De plus, les édulcorants intenses perturberaient le métabolisme du glucose, le microbiote intestinal et diminueraient la sensibilité à l’insuline, pouvant conduire, à terme, à un diabète de type 2.

En juillet 2023, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), agence spécialisée dans le cancer de l’Organisation mondiale de la santé, a classé l’aspartame comme « peut-être cancérogène pour l’homme » (groupe 2B du CIRC).

« Quand le groupe d’experts du CIRC s’est réuni, les débats furent tendus et la décision de classer en 2B (« cancérogène possible ») et pas 2A (« cancérogène probable » pour les humains), soit un cran au-dessus, s’est faite par une courte majorité. Cela aurait dû peser en faveur d’une interdiction », souligne le docteur Emmanuel Ricard, médecin de santé publique et directeur du service prévention et promotion des dépistages à la Ligue contre le cancer.

OMS et FAO n’abaissent pas la dose journalière admissible

Parallèlement, le Comité mixte d’experts des additifs alimentaires de l’OMS et de l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a conclu que les données disponibles ne justifiaient pas une modification de la dose journalière admissible, fixée à 40 mg par kilogramme de poids corporel. Par exemple, avec une canette de boisson gazeuse light contenant 200 ou 300 mg d’aspartame, un adulte pesant 70 kg devrait consommer plus de 9 à 14 canettes par jour pour dépasser la dose journalière admissible, en supposant aucun autre apport en aspartame provenant d’autres sources alimentaires.  

 « Nous demandons à nos décideurs politiques de (…) l’interdire »

Face à ces controverses, La Ligue contre le cancer, Foodwatch et Yuka s’associent pour exiger l’interdiction européenne de cet additif « E951 » dans nos aliments et nos boissons.

 « Il y a un faisceau d’arguments en défaveur de l’aspartame, alerte le docteur Ricard. Pour nous, il serait urgent de l’interdire. On nous a vendu un produit comme intéressant pour la santé car moins calorique que le sucre. En réalité, c’est un trompe-l’œil, les effets attendus ne sont pas au rendez-vous, bien au contraire : effets négatifs sur la grossesse (accouchements prématurés, faible poids de naissance), maladies cardiovasculaires, surpoids, diabète de type 2, hypertension artérielle, effets cancérigènes, et addiction au sucre ! Il est d’ailleurs mentionné sur les produits que leur consommation est déconseillée en cas de grossesse. Inutile de recourir à un produit qui ne sert à rien et qui en plus est dangereux ! »

Cité dans le communiqué de presse de Foodwatch, Philippe Bergerot, président de la Ligue contre le cancer et cancérologue, ne voit « aucune raison de permettre que les gens soient exposés à un risque de cancer tout à fait évitable. L’OMS a de nombreuses études scientifiques mettent en évidence ce risque. On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas. Nous demandons à nos décideurs politiques de prendre leurs responsabilités et de l’interdire ».

En attendant une éventuelle interdiction, il est recommandé aux consommateurs de limiter leur consommation d’aliments et de boissons contenant ce « faux sucre » voire mieux : de consommer plutôt du sucre naturel… avec modération !

Florence Heimburger

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