Selon le rapport mondial sur la qualité de l’air 2023 d’IQAir, seuls sept pays de la planète respirent un air « sain » au regard de la concentration de particules fines. En Europe, ils sont trois, et la France n’y figure pas. Or, la pollution de l’air augmente le risque de survenue de maladies chroniques respiratoires, cardiovasculaires et métaboliques. Une étude inédite de Santé publique France publiée le 29 janvier 2025 souligne ces conséquences sanitaires mais aussi économiques pour la France
Selon le rapport mondial sur la qualité de l’air 2023 de l’entreprise suisse IQAir, spécialisée dans la protection contre les polluants atmosphériques, seuls sept pays dans le monde respectent les normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière de qualité de l’air, soit 5 µg/m3 d’air pour les particules fines PM2,5. Il s’agit de l’Australie, l’Estonie, la Finlande, Grenade, l’Islande, Maurice et la Nouvelle-Zélande.
En revanche, le Bangladesh, le Pakistan et l’Inde figurent parmi les pays les plus pollués. Le pire, le Bangladesh, affiche même une concentration en particules fines de 79,9 µg/m3, soit plus de 15 fois les normes de l’OMS. Au total, 124 des 134 pays et région évalués (soit 92,5 %) dépassent allègrement les prescriptions onusiennes.
40 000 nouveaux cas d’asthme chez l’enfant, 8000 infarctus et 4000 cancers du poumon
La France est loin de faire partie des meilleurs élèves, même si la qualité de l’air s’y soit améliorée depuis 2018, passant de 13,2 à 9,5 4 µg/m3.
Les particules fines (PM2,5) proviennent du trafic routier, du chauffage au bois, de l’agriculture et de l’industrie. Plus fines qu’un cheveu, elles pénètrent très profondément dans l’appareil respiratoire, favorisant maladies respiratoires, cardiovasculaires et métaboliques. Couplées au dioxyde d’azote (NO2), gaz principalement émis par les pots d’échappements de voitures, elles ont des effets dévastateurs sur la santé.
Une étude de Santé publique France, menée dans l’Hexagone entre 2016 et 2019 par différents acteurs*, révèle que 12 à 20 % des maladies respiratoires infantiles (asthme, infections aiguës) sont dues à ces polluants, soit entre 7000 et 40 000 cas. Chez l’adulte, l’exposition prolongée est responsable de 7 à 13 % des maladies respiratoires (asthme, cancer du poumon et bronchopneumopathie chronique obstructive ou BPCO), cardiovasculaires (AVC, infarctus aigu du myocarde, hypertension artérielle) et métaboliques (diabète de type 2). Soit entre 4000 et 78 000 nouveaux cas annuels en France métropolitaine.
Toutes les régions, rurales comme urbaines, sont concernées
De plus, 40 000 décès par an seraient imputables aux particules fines selon des précédents travaux, publiés en 2021, de la même agence sanitaire.
Toute la population française, même en zone rurales, est surexposée. Les régions les plus touchées sont l’Île-de-France, Lyon, Lille, l’Alsace frontalière et le littoral de Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Par ailleurs, l’étude montre que si la France respectait les recommandations de l’OMS, 75 % de ces cas de maladies liées à l’exposition aux PM2,5 et près de 50 % de celles dues au NO2 pourraient être évitées, notamment 30 000 nouveaux cas d’asthme infantile.
Des conséquences économiques non négligeables
Toujours selon ces recherches, l’impact économique de cette pollution est estimé à 12,9 milliards d’euros pour les PM2,5 et 3,8 milliards pour le NO2, soit un coût annuel de près de 260 euros par habitant.
Actuellement, la France suit les normes européennes : 25 µg/m3 pour les PM2,5 et de 40 µg/m3 pour le NO2. Toutefois, en octobre dernier le Conseil européen a adopté une nouvelle réglementation abaissant ces seuils à 10 µg/m3 et 20 µg/m3 d’ici 2030. En attendant, la pollution persiste. Les zones à faibles émissions (ZFE), censées la réduire, concernent désormais 42 agglomérations (Grand Paris, Lyon, Grenoble, Bordeaux, Pays basque, etc.), mais restent souvent contournées par des dérogations.
Florence Heimburger
*sur le volet sanitaire avec l’Ineris, l’ORS Île-de-France, le Creai-ORS Occitanie, le Citepa et le Centre d’investigation clinique 1401 – épidémiologie Clinique (Inserm/CHU de Bordeaux), et d’autre part sur le volet économique avec Aix-Marseille School of Economics (Aix-Marseille Université/CNRS)