3 QUESTIONS A Joachim Claudet, directeur de recherche CNRS au Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement où il anime l’axe « Durabilité des systèmes socio-écologiques de la science à l’action ». Il explique à Curieux comment la science peut aider à protéger l’océan. Un océan qui a des bénéfices pour tout l’environnement et les humains
1 – Quelles menaces pèsent sur l’océan aujourd’hui ?
Le problème de l’océan est que les menaces sont nombreuses et qu’elles se cumulent. L’IPBES, l’équivalent du GIEC pour la biodiversité, les a synthétisées dans sa dernière évaluation mondiale. Les facteurs conduisant le plus à l’érosion de la biodiversité sont l’exploitation directe des organismes, le changement d’usage de l’espace marin, les espèces invasives, la pollution et le changement climatique.
L’IPBES montre bien que le facteur qui a le plus d’impact est l’exploitation directe des organismes, au premier des rangs desquels : la pêche. Le second, c’est le changement d’usage de l’espace marin, comme la construction de port, l’artificialisation des côtes, etc.
Ces menaces ont des effets cascades sur les écosystèmes parce que tout est lié : quand on va construire et artificialiser les côtes, ce sont des zones de nurserie pour des poissons qui ne peuvent plus se reproduire. Quand on va surpêcher des poissons qui sont souvent des prédateurs d’autres poissons, cela va changer tous les écosystèmes et cela peut créer des grandes perturbations en cascade.
Bref un impact à un endroit peut avoir un impact en chaîne sur l’intégralité de l’océan et peut également se cumuler avec tous les autres impacts.
2 – Pourquoi avons-nous besoin d’un océan en bonne santé pour nos sociétés ?
Ces impacts sont vraiment problématiques car même si on a une vision purement utilitariste de la nature, cela a une conséquence sur la société qui dépend grandement d’un océan en bonne santé.
D’une part, l’océan est le principal régulateur du climat à l’échelle mondiale, et il capte les excédents de chaleur dus à nos émissions de gaz à effet de serre. Il produit aussi l’oxygène pour tous les organismes marins. Il est important pour nos activités économiques : plus de 80% des marchandises que l’on achète transitent en bateau sur l’océan. Et par ailleurs, on a besoin de la pêche comme activité économique, et elle est une source vitale pour les modes de vie et la sécurité alimentaire de nombreuses populations.
Les pays des Nations-Unies se sont mis d’accord sur des objectifs de développement durable (ODD) pour 2030. Le numéro 14 sur l’océan fixe des indicateurs : création de 10% d’aires marines protégées, arrêt des activités illégales et non régulées de pêche, gestion de la petite pêche côtière, etc. L’atteinte de ces objectifs en lien avec l’océan ont des coréalisations avec les autres ODD : amélioration de la nutrition, lutte contre la pauvreté, égalité des chances, etc.
Donc œuvrer pour un océan en meilleure santé permet de contribuer à des sociétés plus résilientes et plus équitables.
3 – Quel peut être le rôle de la recherche pour contribuer à éclairer les politiques publiques en faveur de l’océan ?
On commence à bien connaître les facteurs d’impacts et leurs effets cascade. Et on connaît une partie des solutions à mettre en place. Mais il y a d’autres types d’actions qu’il faut encore découvrir. La science est alors nécessaire à différents niveaux. D’abord pour l’identification de solutions : les aires marines protégées ou des règles de quotas de pêches proviennent d’informations scientifiques.
On a aussi besoin de sciences pour savoir comment mieux mettre en place ces solutions. Par exemple, quand on va gérer des ressources de pêche ou des habitats remarquables comme les récifs coralliens, on ne gère pas les poissons ou les coraux. On gère les humains qui utilisent ces espaces ou ces ressources. Cela se base à la fois sur les sciences océanographiques et écologiques mais également sur les sciences humaines et sociales (anthropologie, économie, etc.). Le tout pour mieux articuler des interventions qui puissent à la fois être bénéfiques pour la nature et les populations.
C’est une approche transversale que l’on appelle « des systèmes socio-écologiques » ou plus largement de la « durabilité ». On cherche alors des relations gagnant-gagnant pour la nature et les populations. Ou bien que celles qui ont des bénéfices sur la nature aient le moins d’impacts négatifs sur les populations et inversement.
Propos recueillis par Alexandre Marsat
Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
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