Les progrès réalisés dans le domaine de la robotique rendent possible l’automatisation de nombreux emplois. Mais en pratique, les secteurs dans lesquels les robots peuvent nous remplacer demeurent assez restreints. Car l’automatisation a un coût élevé, et les robots se montrent bien moins polyvalents que les travailleurs humains

Les robots menacent-ils nos emplois ? Cette crainte a été exacerbée suite à la publication d’une étude réalisée en 2013 par deux chercheurs en économie de l’université d’Oxford, Carl Benedikt Frey et Michael Osborne. Leurs travaux, qui ont eu un écho médiatique retissant, montraient que près de la moitié des emplois sur le sol américain étaient susceptibles d’être affectés par l’automatisation.

Mais près d’une décennie plus tard, le verdict est moins sombre qu’imaginé. Il faut dire que les patrons ne vont pas systématiquement privilégier l’option robotisée, même lorsque cela est techniquement possible. « Ce n’est pas parce qu’un travail est automatisable que les entreprises vont forcément y avoir recours », souligne Jean-Baptiste Mouret, chercheur au centre Inria de l’Université de Lorraine, au sein de l’équipe Autonomie et interaction au long cours pour des robots en environnements potentiellement sensorisés.

« L’un des principaux freins à l’automatisation, c’est son coût. Les robots industriels utilisés pour la construction automobile par exemple coûtent plusieurs centaines de milliers d’euros. Ce sont de gros investissements que les PME ou les petites usines ne pourront pas assurer », constate le chercheur.   

Et les robots peinent à faire preuve de polyvalence, là où un employé peut s’occuper de tâches variées. « Le robot se montre peu flexible, ce qui peut rendre l’investissement beaucoup moins rentable. Cela explique donc qu’il existe encore de nombreuses tâches potentiellement automatisables, mais qui ne le sont pas dans la pratique », indique Jean-Baptiste Mouret. 

Entrepôts logistiques et voitures autonomes

Cependant, il existe quelques secteurs dans lesquels le phénomène d’automatisation progresse plus rapidement, observe le chercheur : « le bond le plus impressionnant concerne le milieu de la logistique. Les nouveaux entrepôts d’Amazon et de certains de leurs concurrents sont équipés de milliers de robots. Tout est automatisé, que ce soit pour récupérer les objets dans les stocks, les mettre dans les cartons, ou les envoyer jusqu’au camion. Les emplois de manutention dans ces entrepôts logistiques vont donc progressivement disparaitre ».

Le monde agricole est lui-aussi concerné par cette montée en puissance de l’automatisation, particulièrement au sein des grandes exploitations qui utilisent peu de main d’œuvre : « il existe déjà des robots pour traire les vaches ou pour nettoyer les étables. Mais les tracteurs peuvent aussi être partiellement automatisés, en programmant à l’avance leur trajet sur le champ via un GPS », indique Jean-Baptiste Mouret.

Enfin, les taxis et voitures autonomes montent en puissance, assure le chercheur : « sur certains trajets bien définis et suffisamment cadrés, comme un parcours allant d’un centre-ville à un aéroport par exemple, il est clair que des voitures autonomes vont être déployées de plus en plus fréquemment ».

Quid de l’acceptabilité sociale ?

Cependant, il est difficile de savoir si ce phénomène d’automatisation conduira à une baisse du nombre d’emplois : « la robotisation amène souvent à remplacer plusieurs ouvriers par un seul travailleur, généralement plus qualifié. Mais cela peut aussi contribuer à créer davantage d’activité. Il reste donc compliqué de prédire l’impact que cela aura sur le marché du travail », concède le chercheur.       

Et il reste encore un point important : le déploiement de ces automates va-t-il être accepté par les citoyens ? « Les robots sont bien acceptés à partir du moment où l’on ne les voit plus comme des automates, mais plutôt comme quelque chose qui répond à un besoin. C’est ce qu’il s’est passé il y a quelques décennies avec l’arrivée des lave-vaisselle dans les foyers », indique Jean-Baptiste Mouret.

Mais à l’inverse, si un robot fonctionne mal ou qu’il gène les autres travailleurs, il ne sera pas accepté, assure le chercheur. Car si l’erreur est humaine, la machine n’a, quant à elle, pas le droit de se tromper.

Thomas Allard

Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

Fermer la popup
?>