L’imagerie de précision est sans appel. Oui, le cerveau des femmes se remodèle pendant la grossesse et même plusieurs années après l’accouchement. Explications
Les neuf mois de grossesse chez une femme ressemblent à un véritable tsunami. Outre les preuves les plus visibles de changements, le ventre arrondi et la poitrine gironde, les femmes subissent une déferlante de changements hormonaux, cardiaques, métaboliques, etc. Et le cerveau ne fait pas exception !
Ce n’est cependant que depuis une petite dizaine d’années que les scientifiques s’intéressent à ce sujet. Ils ont pu démontrer, grâce aux progrès notamment de la neuroimagerie de précision, l’ampleur de ces changements cérébraux. En 2016, une première étude menée par des neuroscientifiques barcelonais montre ainsi une variation de volume de la matière grise dans le cerveau des femmes, avant la grossesse et deux ans après l’accouchement, révélant des changements durables au niveau cérébral.
Des variations de volume de la matière grise et de la matière blanche
En 2022, des chercheurs du Pays-Bas, eux, identifient clairement les hormones de grossesse, principalement les hormones sexuelles tels que l’estradiol au troisième trimestre, comme la cause de ces changements. Ils confirment une diminution du volume de la matière grise après l‘accouchement. En parallèle, on assiste à une densification de la substance blanche du cerveau, soit ces « autoroutes de l’information » qui permettent d’interconnecter les différentes zones du cerveau.
Un pas de plus est franchi en 2024. Des chercheurs allemands démontrent cette fois que ces modifications de volumes et de densité de la matière grise et de la substance blanche se produisent dans des régions spécifiques du cerveau jouant un rôle clé dans le comportement parental, notamment l’attachement mère-enfant. Tout aussi surprenant, des neuroscientifiques d’Amsterdam, eux, vont même plus loin. Chez l’animal, ces adaptations neuronales favoriseraient les soins maternels tels que la nidification, l’allaitement, le toilettage…
Une sensibilité accrue aux comportements de l’enfant
On doit à des chercheurs américains de Californie la dernière étude sur le sujet. Son originalité est d’avoir suivi, pour la première fois, l’évolution du cerveau au cours des 9 mois de grossesse et deux ans après l’accouchement. Une cartographie ultra-détaillée de la chercheuse en neuroscience, partante pour cette expérience, Laura Pritschet, âgée de 38 ans, soumise à 26 scanners et de nombreux tests sanguins. Elle met, pour la première fois, en évidence la grossesse comme une période de « neuroplasticité remarquable » et confirme les modifications du volume et de l’intégralité de la microstructure des matières grises et blanches. Selon eux, ces adaptations rapides seraient initiées par des augmentations de 100 à 1000 fois de la production d’hormones, y compris œstrogène et la progestérone. L’étude fait le parallèle avec la période la puberté qui se traduit également par des changements cérébraux, notamment dans les zones de la cognition sociale.
Objet de recherches récentes, ces premiers résultats soupçonnent ainsi une adaptation de certains circuits cérébraux pour préparer à la maternité, montrer une plus grande réceptivité et une sensibilité accrue face aux comportements non verbales de l’enfant. La baisse du volume de la matière grise ne serait donc pas une perte de capacités, ni d’intelligence (évitons les raccourcis, mais au contraire un super pouvoir pour arriver à percevoir les désirs et les émotions de son enfant.
Marianne Peyri
Avec le soutien du ministère de la culture