Selon plusieurs expériences réalisées sur des modèles animaux, la privation temporaire de nourriture pourrait allonger la durée de vie. Mais aucune étude probante ne permet de montrer que ces bienfaits seraient transposables chez l’humain. Et si elle n’est pas médicalement encadrée, la pratique du jeûne prolongé n’est pas sans risque pour la santé
D’après un sondage Ipsos réalisé en mars 2022, 27 % des français pratiquent le jeûne. Si un peu plus d’un quart d’entre eux le font pour des motifs religieux, 61 % déclarent se priver occasionnellement de nourriture pour des raisons de santé.
On parle alors de « jeûne thérapeutique ». Cette pratique consiste à se priver d’aliment, à l’exception de l’eau ou de jus, durant une période donnée afin d’améliorer sa santé.
Cascade métabolique
La pratique du jeûne existe depuis plusieurs siècles, mais le concept moderne et européen du jeûne à visée thérapeutique est né en Allemagne, au début du XXe siècle, sous l’impulsion des travaux menés par le docteur Otto Buchinger. Celui-ci soutenait que la privation temporaire de nourriture pouvait « activer les pouvoirs d’auto-guérison du corps ».
La réalisation d’un jeûne thérapeutique peut prendre différentes formes. Il peut s’agir d’un jeûne intermittent, caractérisé par l’absence d’apports caloriques et protéiques pendant 24 à 72 heures, d’un jeûne périodique, qui s’étale sur des séquences d’une à trois semaines, ou bien d’une restriction calorique avec des apports énergétiques très faibles de l’ordre de 200 à 300 kcal par jour via la consommation exclusive de bouillons ou de jus de fruits.
Mais ces privations alimentaires ont-elles des bienfaits sur notre santé ? Plusieurs travaux ont effectivement montré que les restrictions caloriques pouvaient allonger l’espérance de vie chez certains animaux, et notamment chez les rongeurs.
Le jeûne induit en effet une cascade métabolique adaptative afin notamment de maintenir une glycémie normale, et d’utiliser au mieux les substrats énergétiques stockés dans le tissu adipeux.
Une piste qui reste purement théorique
Néanmoins, aucun argument solide ne permet d’affirmer que les effets bénéfiques du jeûne observés chez les animaux soient extrapolables à l’humain.
Telle est la conclusion des travaux menés en 2014 par une équipe de scientifiques l’Inserm qui a analysé la littérature scientifique existante afin d’évaluer l’efficacité de la pratique du jeûne thérapeutique.
« Jeûner induit des modifications métaboliques qui pourraient être utilisées à bon escient dans diverses situations pathologiques. Cependant, aucune donnée clinique reposant sur des essais méthodologiques rigoureux ne peut étayer aujourd’hui le bien-fondé de cette piste, qui reste donc pour l’instant essentiellement théorique », souligne le rapport de l’Inserm.
Les risques du jeûne prolongé
A l’inverse, il existe des risques si cette pratique du jeûne thérapeutique est réalisée sur des temps longs et en dehors d’une structure médicalisée, alerte le ministère de la Santé. En 2021, une femme de 44 ans est notamment décédée au cours d’un stage de jeûne organisé par un naturopathe en Indre-et-Loire.
« Le jeûne, outre la sensation de faim, peut provoquer des maux de tête importants, des étourdissements, voire des malaises. Au-delà de deux semaines, il peut provoquer des anémies par carence en fer, des inflammations et fibroses au niveau hépatique et une dégradation du capital osseux.
Le risque le plus grave associé au jeûne est celui de la survenue de troubles du rythme cardiaque pouvant dans certains cas conduire au décès », souligne le ministère de la Santé.
Thomas Allard
Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation