Depuis l’isolation du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) dans les années 80, d’énormes progrès permettent de contrôler l’infection liée à ce virus qui s’attaque au système immunitaire. Pour autant, le stade ultime de l’infection, le SIDA, lui, reste une maladie mortelle

Il faut bien distinguer le virus (VIH) du SIDA, Syndrome d’ImmunoDéficience Acquise, maladie qui correspond au moment où le système immunitaire ne fonctionne plus. Les lymphocytes T ayant été détruits par le VIH.

Si aucun traitement n’est suivi, le SIDA, stade ultime, reste une maladie d’une extrême gravité. En 2022, 630 000 personnes sont mortes des causes liées au VIH. Et la médecine, à l’heure actuelle, ne permet pas d’en guérir. « On trouve dans le monde quelques personnes ayant guéri du SIDA mais il s’agit de cas d’exception, de personnes ayant reçu des greffes de moelle osseuse après une aplasie médullaire pour guérir d’un cancer et se retrouvant de ce fait avec des cellules sans récepteur du VIH. C’est un contexte très particulier de cancer et très lourd de par la greffe, trop difficile à généraliser en tout cas aujourd’hui » indique Marie-Line Andreola, directrice de recherche CNRS en biochimie et virologie de l’Université de Bordeaux.

Des vaccins curatifs sont à l’étude pour les personnes déjà infectées. L’une des stratégies serait d’arriver à éliminer les réservoirs viraux qui renferment le virus à l’état latent ou dormant intégré dans leur génome. « Cependant cela pose beaucoup de problèmes de faire « sortir » ces virus dormants pour qu’ils puissent être atteints par les antiviraux. On ne maitrise pas bien », ajoute la directrice adjointe du laboratoire Microbiologie Fondamentale et Pathogénicité dont les recherches portent justement sur la résistance du VIH aux antirétroviraux. Les chercheurs de son équipe bordelaise s’emploient ainsi à séquencer, analyser le génome de virus, notamment circulant en Afrique, pour trouver des traitements adaptés.

Un virus génétiquement instable, en constante évolution

Une des difficultés de contrer le VIH provient en effet de son instabilité génétique. Il ne présente pas toujours la même séquence. C’est aussi le cas de la grippe, par exemple, présentant la même variabilité et contre laquelle les chercheurs n’ont pas réussi à trouver de vaccin universel. De plus, chaque individu infecté par le VIH peut en effet réagir différemment, d’où la difficulté de trouver une parade universelle et de généraliser un traitement thérapeutique.

Marie-Line Andreola souligne l’impuissance médicale actuelle pour éliminer les réservoirs contenant le virus à l’état dormant: « Il est en effet nécessaire de mesurer la charge virale, et de réaliser un génotypage pour voir quelles sont les mutations qui peuvent exister et de ce fait les résistances. En fonction, grâce à des algorithmes de prédiction, le médecin va donner tel ou tel médicament, celui qui aura le plus de chances de succès ».

Des trithérapies efficaces depuis la fin des années 90

S’il n’existe pas de médicament de guérison, d’énormes progrès en revanche ont été faits depuis l’isolation du virus en 1983 pour aider les personnes infectées à lutter contre ce rétrovirus. La mise au point en 1996 de trithérapies, soit la combinaison de trois médicaments, ont permis d’aller contre plusieurs cibles en même temps, ou sur une même cible avec des mécanismes d’action différents.

Des progrès ont ensuite été faits vers une présentation combinée de plusieurs molécules en un seul comprimé. On va désormais vers des traitements qui permettraient de réduire aussi la fréquence de prise de médicaments. Des solutions injectables de longue durée, qui éviteraient la prise de médicaments quotidiens, seraient l’une des pistes de progrès les plus notables.

Grâce à ces traitements, s’ils sont pris précocement, la personne infectée peut aujourd’hui vivre normalement et si le traitement antiviral est efficace, l’espérance de vie est la même. « Cependant, si, dans les pays développés, la prise en charge est une réalité, ce n’est pas le cas dans nombre de pays en développement. On ne soigne donc pas facilement le VIH partout dans le monde. Il persiste de grandes inégalités entre pays mais aussi entre adultes et enfants. De plus, si ces traitements existent, ils restent lourds et doivent être pris à vie, d’où les recherches actuelles pour les alléger », ajoute la directrice de recherche en virologie. Elle s’inquiète ainsi, lorsqu’elle reçoit des jeunes dans son laboratoire, de leur méconnaissance de la gravité de la maladie, contrairement aux anciennes générations, et de la lourdeur du traitement.   

Des traitements lourds et des risques de santé accrus avec l’âge

« Il faut aussi savoir que lorsqu’on est atteint par le VIH, on ne vit pas aussi confortablement que des personnes non infectées. Avec l’avancée en âge des patients, des problèmes se posent sur la tolérance aux médicaments, ce qui peut se traduire par un plus grand risque face à des problèmes cardiovasculaires et de cancers pour ces personnes ». Marie-Line Andreola regrette de même que les idées fausses persistent sur le SIDA avec la peur par exemple de l’entourage d’être contaminé par le toucher, le baiser, en allant aux toilettes. « Ce n’est absolument pas possible. Pour autant les personnes séropositives témoignent encore de cette discrimination et continuent à cacher notamment dans le milieu professionnel leur statut de séropositif. »

Se faire dépister le plus tôt possible

S’il n’existe pas de vaccin préventif, il existe cependant désormais un médicament de prévention ayant fait ses preuves. « Les traitements dits de pré-exposition (PREP) et post-exposition, encore en développement, sont eux plus controversés mais c’est cependant une solution pour les gens séronégatifs qui veulent se protéger de situations à risques », ajoute la chercheuse dont le laboratoire teste aussi l’effet antiviral de certaines molécules et étudie le mécanisme de réplication du virus.

Selon elle, « il faut surtout se protéger et aussi faire des dépistages le plus tôt possible. En effet, plus on est traité rapidement, plus on diminue la charge virale et plus on peut empêcher la transmission du virus. Si tout le monde pouvait être dépisté tôt et traité rapidement, le virus ne serait plus transmis et s’arrêterait. »  

Marianne Peyri

39 millions de personnes vivent avec le VIH, dont plus de deux tiers en région africaine, selon les données 2022 de l’Organisation Mondiale de la Santé. En 2022, 1,3 millions de personnes ont contracté le VIH. Plus de 40 millions de personnes sont mortes du sida depuis le début de l’épidémie. En 2023, selon UNAIDS, en France, environ 200 000 personnes vivent avec le VIH et 5 500 se sont infectées durant l’année.

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