On affirme depuis longtemps qu’il faut manger beaucoup le matin, moins le midi et peu le soir. Un nutritionniste en vogue a même théorisé un vieux dicton qui parle de « petit-déjeuner comme un roi ». Mais est-ce vraiment pertinent ?
« Petit-déjeuner comme un roi » : On appelle ça la chrono-nutrition et c’est Alain Delabos qui a théorisé cela en 1986. Sur le papier, c’est plein de bon sens. Il préconise de faire des petits-déjeuners bien roboratifs, pleins de lipides et de sucres. Le principe, c’est que comme c’est en début de journée et qu’on va fatalement éliminer, ça ne fait pas grossir puisque ça n’est pas stocké par l’organisme. S’en suivent un déjeuner féculents-protéines, un goûter qui permet de tenir le coup. Et un dîner léger, plutôt à base de produits que le corps ne stocke pas (fruits et légumes…) C’est selon les goûts mais des études ont montré que l’efficacité de ce régime pour garder son poids de forme est limitée. Seules les personnes déjà en surpoids y trouvent un avantage diététique.
Quand corrélation n’est pas causalité
Surtout, depuis de nombreuses années, d’autres études ont montré que sauter le petit-déjeuner n’était pas forcément néfaste à la santé. Pour être exact, d’autres études ont montré le contraire. Bref, le consensus est difficile à trouver… C’est notamment le cas d’une étude américaine de 2019 expliquant que les hommes ne prenant jamais ce repas ont un risque de mortalité par incident cardiovasculaire supérieur de 87 % et +19% pour la mortalité toutes causes confondus. Pour d’autres, c’est +27% en problèmes cardio-vasculaires.
Ce qui est gênant, c’est que personne ne voit la causalité entre zapper le petit-déjeuner et les problèmes cardiaques. Pour des chercheurs de l’université de Bath, sauter le petit déjeuner n’augmente ni la tension artérielle, ni le diabète ou le cholestérol, principaux facteurs alimentaires de risques cardiaques. Potentiellement, le lien entre problèmes de santé et absence de petit-déjeuner pourrait être simplement dû à une manière de vivre : si on ne prend pas le temps de manger le matin, c’est possiblement que l’on mène une vie trop stressante… et donc susceptible de provoquer des dommages cardio-vasculaires. Bref corrélation n’est pas causalité. Les études statistiques prennent rarement en compte tous les facteurs de vie.
A chacun son petit-déjeuner
C’est la même chose pour le lien entre absence de petit-déjeuner et obésité. Une étude estime que les adultes qui sautent ce repas ont 4,5 fois plus de probabilité d’être obèses. Pour d’autres, comme à Bath, le lien n’est pas établi : on ne « rattrape » pas à midi les calories qu’on a manqué le matin. Et ils établissent même à 539 calories de déficit global sur la journée le fait de ne pas manger le matin.
En quelques sortes, ce qui ressort de ces contradictions, c’est que c’est à chacun de déterminer sa prise de repas en fonction de ses envies et de son métabolisme. Sachant que le petit-déjeuner est tout de même recommandé pour les enfants et adolescents. Et pour ceux qui ont faim au réveil : leur corps réclame des calories. Ensuite, le principal souci est de manger correctement. La plupart des chocolats sont trop sucrés, l’essentiel des céréales sont trop sucrées et trop salées. Il faut bien se mettre en tête qu’une viennoiserie, ce n’est pas des céréales mais essentiellement du beurre et du sucre. Et qu’un bon petit-déj, c’est aussi des fruits frais (et pas un jus industriel, trop acide et trop sucré). Pour le reste… chacun fait selon ses goûts.
Jean Luc Eluard
Avec le soutien du Ministère de la Culture