Le cancer du poumon progresse chez les femmes, une tendance alarmante. La consommation de tabac joue un rôle majeur dans cette hausse. Explications du tabacologue Bertrand Dautzenberg et de l’oncologue Rémi Veillon

Si les hommes fument encore davantage que les femmes (27,4 % de tabagisme quotidien contre 21,7 %, selon Santé Publique France), les femmes sont de plus en plus touchées par les cancers du poumon. Ce type de cancer pourrait même tuer plus de femmes que le cancer du sein d’ici deux à trois ans, si cette tendance se confirme. Chez les hommes, la situation est plus stable, avec une diminution ou une stagnation des cas pour les trois cancers les plus fréquents (prostate, poumon, colorectal), selon le panorama 2024 de l’Institut national du cancer publié en septembre.

Pourquoi une telle hausse chez les femmes ?

Les femmes ont commencé à fumer plus tard que les hommes, dans les années 1970-1980, et les conséquences commencent à se faire sentir aujourd’hui. De plus, « les femmes débutent souvent la cigarette dès le collège, plus tôt que les hommes, précise le docteur Veillon, oncologue médical au service des maladies respiratoires de l’Hôpital du Haut Lévêque à Pessac. En outre, à consommation égale, elles développent plus fréquemment des maladies respiratoires graves, comme la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et les cancers broncho-pulmonaires. »

Selon le professeur Bertrand Dautzenberg, professeur de pneumologie à la retraite et tabacologue à l’Institut Arthur Vernes à Paris, « nous sommes au pic de cette « épidémie » de cancers du poumon chez les femmes, une situation mondiale qui reflète l’augmentation du tabagisme féminin ».

Les symptômes à surveiller

Il est essentiel de reconnaître les symptômes précoces pour une meilleure prise en charge. « Il faut consulter si une toux persistante change de nature, en cas d’essoufflement, de perte de poids inexpliquée et/ou de crachats de sang », recommande le pneumologue. « Cependant, ces signes apparaissent souvent tardivement. Et les poumons ne sont pas sensibles à la douleur ni palpables », déplore le docteur Veillon.

En 2022, la Haute autorité de santé a recommandé la mise en place d’un programme pilote de dépistage organisé du cancer du poumon car il réduirait la mortalité spécifique chez les personnes fortement exposées au tabac.

Des programmes de dépistage sont en cours de mise en place pour repérer précocement ces cancers chez les personnes de 50 à 75 ans qui fument ou ont fumé pendant au moins 20 ans. Ils reposent sur la réalisation de scanners thoraciques à faible dose, suivis si nécessaire de biopsies. Selon le docteur Veillon, « ces dépistages permettent de réduire la mortalité par cancer de 15 % ».

Toutefois, le dépistage organisé, tel celui du cancer du sein, n’est pas encore fonctionnel. Il reste à définir les cibles prioritaires (quel public ?) et à renforcer les effectifs de pneumologues, radiologues et chirurgiens thoraciques, notamment en Nouvelle-Aquitaine, où ils sont en sous-effectifs. L’Institut national du cancer (INCa) et le ministère de la Santé viennent de lancer un appel à candidatures pour initier un programme pilote afin de tester la faisabilité d’un dépistage organisé du cancer du poumon.

Des progrès dans les traitements

Les traitements du cancer du poumon ont évolué. En plus de la chimiothérapie, l’immunothérapie est désormais utilisée. Elle stimule les défenses immunitaires. « Des perfusions sont administrées toutes les 3 à 6 semaines, pendant deux ans, permettant de prolonger la vie durablement, indique le docteur Veillon. Il existe aussi des thérapies ciblées sous forme de comprimés, qui visent des protéines (EGFR, ALK, etc.) responsables de la croissance tumorale, et prolongent également la survie des patients. »

Malgré ces avancées, la prévention reste primordiale. « La meilleure prévention, c’est de ne pas fumer car 85 % des tumeurs au poumon sont liées au tabac », rappelle le professeur Dautzenberg. Pour les fumeurs qui n’arrivent pas à décrocher, le pneumologue recommande de passer à la cigarette électronique, qui, « à ce jour, ne provoque pas de cancer du poumon ».
Enfin, en cas de doute, il est conseillé de consulter son médecin traitant pour une éventuelle prescription de scanner.

Florence Heimburger

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