La « monkeypox », Mpox ou variole du singe a causé depuis le début de l’année au moins 19 000 cas probables et 548 morts sur le continent africain. L’Organisation mondiale de la santé a classé l’épidémie comme « urgence de santé publique de portée internationale », soit le niveau le plus élevé. Pourquoi ? Doit-on s’inquiéter ? Trois questions au professeur Denis Malvy, infectiologue au CHU de Bordeaux
- « Quel est ce virus Mpox qui inquiète les autorités sanitaires ? »
- Comment le virus se transmet-il ? Quels symptômes doivent alerter ?
- Devons-nous craindre une pandémie comme pour la Covid-19 ?
- La France doit-elle à nouveau mettre en œuvre une campagne de vaccination comme avec le virus de sous-clade 2b en 2022 ?
« Quel est ce virus Mpox qui inquiète les autorités sanitaires ? »
Denis Malvy : « Anciennement appelée la variole du singe (monkeypox en anglais), la Mpox est une zoonose, une maladie infectieuse transmise à l’homme à partir d’un réservoir animal. Elle a été repérée en 1958 à Copenhague (Danemark) sur des singes, d’où son nom de départ. Le premier cas humain a été détecté en 1970 en République démocratique du Congo (RDC).
Depuis, les recherches ont montré que le principal réservoir animal serait des espèces de rongeurs, en particulier les écureuils arboricoles et les rats tropicaux. Historiquement, la maladie est endémique en Afrique centrale, en particulier en RDC, où elle a longtemps circulé exclusivement dans les zones reculées de la forêt et de la brousse. Mais, en raison de l’érosion de la biodiversité (déforestation), du réchauffement climatique, des conflits armés et des déplacements, le virus s’est étendu à des zones plus urbaines et même à l’international. En 2022, le virus a été retrouvé en Europe, y compris en France, et dans d’autres régions du monde.
Comment le virus se transmet-il ? Quels symptômes doivent alerter ?
Denis Malvy : Le virus se transmet initialement par contact avec un animal, puis secondairement sur un mode interhumain par voie sexuelle et/ou contacts directs prolongés et répétés avec une personne malade, voire des matériaux contaminés (vêtements, linge de lit, etc.).
Dans les zones de réémergence, les personnes à risque sont entre autres les enfants de moins de dix ans en situation de promiscuité. Les personnes fragiles et immunodéprimées sont vulnérables aux formes sévères.
La Mpox se manifeste principalement par une éruption cutanée, qui commence sous forme de lésions rouges et évolue en vésicules puis en pustules formant in fine des croûtes avant de cicatriser. Ces symptômes s’accompagnent souvent d’une fièvre, d’une fatigue générale, de maux de tête, de gorge, de douleurs musculaires et courbatures, parfois d’une toux…
La Mpox guérit en général spontanément. La sévérité est entre autres liée aux surinfections et à la disponibilité de soins de support, en particulier chez l’enfant (réhydratation, capacité de s’alimenter).
Devons-nous craindre une pandémie comme pour la Covid-19 ?
Denis Malvy : Non, car le Mpox se transmet par contact direct prolongé, et non par voie respiratoire. En outre, la Mpox fait partie des virus à ADN, moins propices aux mutations que les virus à ARN, tel l’agent de la Covid-19. Plusieurs « clades » (NDLR : virus) de la Mpox circulent actuellement (voir encadré ci-dessous).
La France doit-elle à nouveau mettre en œuvre une campagne de vaccination comme avec le virus de sous-clade 2b en 2022 ?
Denis Malvy : Oui, la France déploie un plan de diminution du risque et d’anticipation, au sein duquel figure la vaccination. Aujourd’hui, la mobilisation concerne la prévention des virus du clade 1b, qui présente une létalité plus élevée et une transmissibilité accrue par rapport au 2b.
Pour l’heure, la crise est circonscrite au niveau du continent africain, pour lequel l’OMS a demandé un déploiement des vaccins. La France doit se préparer à diagnostiquer des cas, à les isoler et à vacciner les contacts à haut risque. Nous nous préparons à prendre en charge des cas sporadiques, concernés par les virus appartenant aux clades 1b et 1a.
La réponse doit être préventive et allier une combinaison d’outils : surveiller la survenue de cas éventuels, vacciner les personnes à haut risque pour prévenir la transmission. De plus, comme nous avons affaire à une zoonose, nous conseillerons aux patients confirmés de se tenir à distance de leurs animaux de compagnie, vulnérables, en cohérence avec une approche « One Health » (une seule santé pour une seule planète*). »
Propos recueillis
par Florence Heimburger
*Ce concept est basé sur le fait que la santé humaine, la santé animale, la santé végétale sont interdépendantes et liées à celle des écosystèmes dans lesquels elles existent.
Plusieurs clades pour un même virus
Le clade 1a endémique depuis les années 1970 en RDC, République centrafricaine et République du Congo (Congo-Brazzaville) et dont le taux de létalité est estimé à entre 3 et 11 %.
Le sous-clade 1b qui a émergé en 2023 dans l’est de la RDC, puis s’est étendu à la région ouest et aux pays adjacents (Burundi, Rwanda, Ouganda, Kenya…) avant d’apparaître le 14 août dernier hors d’Afrique, chez un patient en Suède et un autre au Pakistan.
Le clade 2, plutôt observé en Afrique de l’Ouest (Nigéria, Bénin, Ghana, Liberia), dans le Sud (Afrique du Sud, Mozambique) et dans le Nord (Égypte, Soudan).
Le sous-clade 2b qui a émergé en 2017 et a été exporté hors d’Afrique en 2022-2023, y compris en France. Il a entraîné quelque 90 000 cas, essentiellement par voie sexuelle, dans plus de soixante-quinze pays et continue de circuler à bas bruit. En France, le ministère de la santé a signalé entre douze et vingt-six cas par mois entre janvier et juin 2024.