Plusieurs études montrent que les femmes ont tendance à dormir plus que les hommes. Mais en ont-elles réellement besoin physiologiquement ? Le point avec le professeur Pierre Philip, neurologue, chef du service universitaire de médecine du sommeil au CHU de Bordeaux
Nous passons presque un tiers de notre vie à dormir. Or, nous n’avons jamais aussi peu et mal dormi. La faute aux écrans qui nous tiennent en éveil, aux couchers plus tardifs, tandis que nos levers restent matinaux, aux horaires décalés (1 Français sur 5 est concerné), aux peurs liées au contexte économique et géopolitique, etc. Selon un sondage OpinionWay de 2023, 44 % des femmes se déclarent insatisfaites de la qualité de leur sommeil, contre 37 % pour la population générale.
Bien dormir, le garant d’une bonne santé physique et mentale
Or le sommeil est essentiel à la survie, à la santé et la productivité. Des nuits trop courtes et un rythme veille-sommeil désynchronisé génèrent des conséquences en cascade : troubles de l’appétit, de l’humeur, fatigue, hypertension artérielle, diabète, obésité, troubles cognitifs, etc.
Mais de combien d’heures de sommeil avons-nous besoin pour être au meilleur de notre forme ? Les femmes doivent-elles dormir plus que les hommes, comme le véhicule une idée reçue ? L’académie américaine de médecine du sommeil a publié en 2015 des normes de sommeil en fonction de l’âge : les tout-petits (1-2 ans) doivent dormir entre 11 et 14h par jour, les enfants âgés de 3 à 5 ans entre 10 et 13h, les 6 à 13 ans entre 9 et 11h et les adolescents (14-17 ans) entre 8 et 10h. Pour les jeunes adultes et adultes (18-64 ans), 7 à 9h sont nécessaires. « Les besoins de sommeil évoluent en fonction de l’âge. En revanche, ils sont identiques pour les hommes et les femmes », prévient le professeur Pierre Philip, neurologue, chef du service universitaire de médecine du sommeil au CHU de Bordeaux et auteur de Réapprenez à dormir pour être en bonne santé (éd. Albin Michel).
Un sommeil dégradé par la grossesse et par un niveau socio-économique bas
Pourtant, à chaque âge de la vie, les femmes dorment en moyenne presque une demi-heure de plus par nuit que les hommes, selon une méta-analyse. Cette variation pourrait s’expliquer notamment par la sécrétion d’œstrogènes, sans que la recherche soit formelle à ce sujet. Mais ce sommeil serait de moins bonne qualité, notamment pendant et après une grossesse.
Néanmoins, comme le précise le Pierre Philip, « a priori, il n’y a pas de déterminants biologiques pour une durée augmentée en faveur des femmes. Mais celles-ci ont un chronotype davantage du matin que les hommes à âge égal. En revanche, les femmes ayant un bas niveau socio-économique et/ou étant mères isolées ont un sommeil de moins bonne qualité que les hommes. Par ailleurs, la gent féminine est aussi davantage victime d’insomnie et du syndrome des jambes sans repos », précise le neurologue qui a participé à la conception de l’application Kanopée. Un compagnons virtuel pour aider aux problèmes de sommeil, d’addiction et de stress.
Trois piliers d’un bon sommeil : régularité, durée et qualité des nuits
Quoi qu’il en soit, le sommeil est irréductiblement une affaire personnelle. Pour bien dormir au quotidien, le professeur Pierre Philip recommande, dans son livre, de veiller aux trois piliers fondateurs du sommeil : la régularité des horaires de lever et de coucher (respecter son horloge interne, y compris le week-end !), sa durée (7 à 9h pour un adulte) et sa qualité (limiter l’alcool, le tabac, le café, éviter bruit et lumière, soigner les maladies type apnées du sommeil…).
Florence Heimburger
Avec le soutien du ministère de la culture