Les athlètes transgenres ont-elles un avantage sur leurs concurrentes au cours des épreuves sportives ? Quelques études se sont penchées sur la question, mais les résultats obtenus divergent
En mars 2023, la World Athletics, fédération sportive chargée d’organiser les compétitions internationales d’athlétisme, a décidé d’exclure des épreuves féminines toutes les athlètes transgenres ayant connu une puberté masculine.
Voilà qui revient à évincer la quasi-totalité des femmes transgenres des compétitions d’athlétisme de haut niveau, étant donné que la transition est le plus souvent réalisée après l’adolescence.
Un avantage physiologique ?
Mais ces athlètes transgenres bénéficient-elles de réels avantages sportifs sur leurs concurrentes cisgenres, c’est-à-dire celles qui se définissent par le genre qui leur a été attribué à la naissance ? De nombreuses études se sont penchées sur la question sans pouvoir, à ce jour, réellement trancher.
Plusieurs études montrent que l’écart de performance entre les hommes cisgenres et les femmes cisgenres varie entre 10 et 50 % selon les sports, et qu’il est particulièrement marqué dans les activités sportives qui mobilisent la force et la masse musculaire.
Néanmoins, il reste difficile de déterminer avec certitude l’origine de cet écart de performance, car les facteurs biomédicaux associés à la puberté comme la taille des poumons, ou encore la densité osseuse ne sont pas de prédicteurs de la performance sportive, souligne le Centre canadien pour l’éthique dans le sport (CCES).
L’explication serait-elle à chercher du côté des hormones ? Une étude réalisée en 2022 par la chercheuse Alison Heather, physiologiste à l’université d’Otago en Nouvelle-Zélande concluait que « l’exposition précoce à la testostérone entraine des effets permanents, qui confèrent aux athlètes transgenres un avantage physiologique sur les sportives cisgenres ».
Le fait d’avoir vécu une puberté masculine procurerait ainsi un avantage physique qui ne pourrait pas être totalement contrecarré par la prise d’œstrogènes ou de traitements bloqueurs de testostérone à l’âge adulte.
Aucune preuve solide
Mais ces résultats sont vivement contestés par un rapport du CCES qui indique qu’au vu de l’ensemble des études menées à ce jour, « il n’existe aucune preuve solide indiquant que les femmes transgenres bénéficient d’un avantage cohérent et mesurable en termes de performances globales après 12 mois de suppression de la testostérone ».
Selon ce rapport, le fait de suivre un traitement bloquant la production de testostérone pendant un an effacerait tout avantage de performance potentiel.
Et le CCES souligne également que « bien qu’un avantage en termes de masse corporelle maigre et de force puisse persister statistiquement après 12 mois, il n’y a aucune preuve que cela se traduise par un avantage en termes de performance par rapport aux athlètes féminines d’élite cisgenre de taille similaire ».
Pour les membres de la fédération internationale de médecine du sport, les études comparant les performances des athlètes transgenres avec celles des femmes cisgenres restent trop peu concluantes pour se faire une opinion sur le sujet : « les données physiologiques actuelles sont insuffisantes pour éclairer adéquatement les politiques et résultent à la fois d’un manque évident de financement pour la recherche et d’un nombre limité d’athlètes d’élite disponibles pour participer à ce domaine de recherche ».
Repenser les catégories sportives
En attendant d’avoir davantage de données, la solution passerait-elle par la création d’une catégorie sportive spécifiquement dédiées aux athlètes transgenres ? La fédération internationale de natation a annoncé la mise en place d’une « catégorie ouverte » à l’occasion des mondiaux de Berlin en octobre 2023. Mais au final, aucune course n’a eu lieu dans cette catégorie, faute de participantes.
« L’inclusion d’une troisième catégorie dans le sport d’élite n’est actuellement pas plausible, car le nombre d’athlètes transgenres est relativement faible », avertissait dès 2021 la fédération internationale de médecine du sport.
Alors comment mieux intégrer les athlètes transgenre dans le sport de haut niveau ? Le débat reste ouvert. Quitte, peut-être, à remettre en question les catégories genrées qui régissent actuellement le monde du sport professionnel.
Thomas Allard