Le quotidien de la capitale été perturbé, ces derniers mois, par les travaux liés à l’accueil des Jeux Olympiques. Les Parisiens s’interrogent. Ces jeux en valent-ils vraiment la chandelle ? Réponse de Patrice Bouvet, maître de conférences à l’Université de Poitiers, spécialiste en économie gestion du sport
- En règle générale, recevoir les JO est-il une bonne affaire ?
- Le fait que Paris dispose déjà de grands équipements sportifs limite-t-il les risques financiers ?
- Les retombées sur le commerce parisien, l’hôtellerie, la location seront-elles vraiment si importantes ?
- Sur l’immobilier, quelles peuvent être les répercussions ?
- Quels seront les conséquences au niveau des transports ?
- Le comité d’organisation des JO annonce la création de 150 000 emplois. Est-ce le cas ?
En règle générale, recevoir les JO est-il une bonne affaire ?
On parle souvent de la malédiction des vainqueurs car dans nombre d’éditions, les pays qui ont réussi à avoir les JO chez eux ont accusé des surcoûts. On connait le célèbre exemple des JO d’Athènes. Selon différents scénarii, à Paris, les coûts pour l’accueil des JO sont estimés entre 7 à 12 milliards, donc en moyenne 10 milliards d’euros. Est-ce que Paris risque d’être victime de cette malédiction du vainqueur ? On le verra. Des imprévus sont souvent inévitables, mais d’ores et déjà on constate un dépassement des coûts liés aux aménagements tels ceux menés pour rendre la Seine baignable.
Le fait que Paris dispose déjà de grands équipements sportifs limite-t-il les risques financiers ?
En effet, la plupart des grands équipements existent tels que Roland Garros ou le Stade de France. Cela fait une différence avec des pays qui ont dû les construire. De même à Paris, on n’aura sans doute pas « d’éléphant blanc » c’est-à-dire de grands équipements sportifs ou d’accueil, qui par la suite, ne sont pas utilisés, ce qui est souvent l’un des points noirs des JO. On sait par exemple déjà que la nouvelle salle de basket l’Arena, dans le XVIIIe arrondissement, aura un club résident après les JO. Le cahier des charges des JO est désormais soucieux de cette notion d’héritage.
Les retombées sur le commerce parisien, l’hôtellerie, la location seront-elles vraiment si importantes ?
Tout en effet n’est pas forcément pris d’assaut comme attendu. Les JO produisent deux effets : ils attirent des spectateurs et créent une demande, mais on a aussi un effet d’éviction. Tous les touristes qui ne souhaitent pas aller aux JO renoncent à aller à Paris sachant que la vie sera plus chère et qu’ils vont rencontrer des difficultés pour se déplacer ou visiter.
Sur l’immobilier, quelles peuvent être les répercussions ?
Le temps des JO, automatiquement, les coûts des nuitées à l’hôtel et à la location augmentent, tout comme d’ailleurs les tarifs pour aller aux restaurants et pour prendre les transports. Mais on observe un impact sur l’immobilier sur le plus long terme.
Dans certains quartiers, dotés de nouveaux aménagements, on note une hausse des loyers et un phénomène de gentrification. Cela a été cas par exemple à Londres où une population défavorisée est partie, le temps des rénovations, du village olympique et ensuite n’a pas pu ou n’a pas voulu revenir. Pour ces JO 2024, cette gentrification peut se produire, plus qu’à Paris, surtout dans le 93, en Seine-Saint-Denis, qui accueille des épreuves olympiques.
Quels seront les conséquences au niveau des transports ?
Tout au long de l’année, les Parisiens ont accusé les conséquences de travaux et de fermetures de lignes et de stations. Quant aux tarifs, qui ont fortement augmenté, on peut craindre qu’ils ne reviennent sans doute pas au niveau d’avant. A plus long terme, ces aménagements pour des extensions de lignes de métro et du raccordement à l’aéroport d’Orly permettront une amélioration. Cependant, seuls deux grands projets sur les 5 prévus initialement ont été mis en œuvre. Un point positif est aussi l’amélioration sur les questions d’accessibilités pour les personnes en situation de handicap.
Il y a eu des progrès réalisés avec désormais des obligations imposées dans le cahier des charges de JO. Auparavant, cela était très à la marge. Au-delà du côté pratique, cela peut être une avancée pour une plus grande prise en compte des contraintes.
Le comité d’organisation des JO annonce la création de 150 000 emplois. Est-ce le cas ?
Le problème est que souvent ces chiffres ne se basent pas sur un calcul en temps de travail et ne prend pas en compte la différence entre emplois saisonniers et emplois pérennes. On sait que le complexe Arena a créé des emplois pour sa construction et va en créer pour l’entretien mais on ne sait par exemple si pour des emplois dans la sécurité, cela va être pérennisé, à partir de quand et jusqu’à quand.
Au niveau des chantiers de construction, les retombées, elles ne sont pas forcément locales, certains ayant été confiés à des sociétés proposant les meilleurs tarifs et pas forcément localisées à Paris.
Propos recueillis
par Marianne Peyri
Patrice Bouvet est auteur de« Les Jeux Olympiques de 1924 à 2024, Impacts, retombées économiques et héritage » (Ed. Campus ouvert, 2018).