A l’approche de chaque grand évènement sportif, la menace du dopage génétique refait surface. Il faut dire qu’au cours des deux dernières décennies, l’essor de la thérapie génique, une méthode consistant à inoculer des gènes dans les cellules d’un individu afin de traiter une maladie, a fait craindre aux scientifiques l’émergence d’une nouvelle stratégie de triche. Mais ces craintes sont-elles fondées ?

Imaginez qu’au lieu de s’injecter des produits dopants, les athlètes puissent les synthétiser eux-mêmes dans leur propre corps ! La menace est prise très au sérieux par l’agence mondiale anti-dopage qui a inscrit le dopage génétique sur la liste des substances et méthodes interdites dès 2003.

Gène d’intérêt qui améliore la performance sportive

Sur le papier, la méthode est simple : il s’agit d’injecter au sportif un gène d’intérêt, afin de stimuler la production de protéines jouant un rôle dans la performance sportive. Par exemple, les gènes codants pour l’érythropoïétine (EPO), qui accroît l’endurance, ou pour des hormones de croissance qui permettent d’augmenter la prise de muscles, pourraient être inoculés au sportif.

Cela peut se faire grâce à un vecteur viral. Un virus, préalablement rendu inoffensif, sert de moyen de transport au matériel génétique et pénètre dans les cellules cibles grâce à sa capacité d’infection. Le nouveau gène est ainsi intégré à l’ADN des cellules-cibles, qui peuvent alors produire elles-mêmes la protéine.

Résultat : au lieu de s’injecter régulièrement de l’EPO, le tricheur n’aurait qu’à s’inoculer le gène une seule fois pour produire un taux élevé de cette hormone en continu.

L’option ARN messager

Une autre méthode consisterait à utiliser l’ARN messager correspondant à la séquence d’acides aminés d’intérêt, par exemple celle de l’EPO. L’ARNm serait ensuite injecté dans les tissus musculaires afin de stimuler la production de cette hormone.

Ce type de manipulation ne relève pas de la science-fiction : elle a été réalisée dès 2008 par une équipe de recherche de l’Inserm dans le cadre du développement d’une thérapie génique destinée au traitement de l’anémie chez les patients souffrant d’insuffisance rénale. Mais, détail qui a son importance, cette méthode est pour l’instant validée uniquement sur des modèles animaux, et n’a pas encore été confirmée chez l’humain.

Pourtant, les autorités anti-dopage préfèrent prendre les devants. A l’approche des Jeux olympiques de Paris 2024, les parlementaires français ont adopté un projet de loi autorisant le laboratoire de l’agence française antidopage à réaliser des tests permettant de déceler d’éventuelles manipulations génétiques chez les athlètes.

Une détection difficile, mais pas impossible

En effet, bien qu’il soit bien plus difficile à détecter que le dopage classique, le dopage génétique peut être traqué.

Dans le cas d’une inoculation via un vecteur viral, le transgène, c’est-à-dire le gène qui a été introduit dans l’organisme, n’est pas identique au vrai gène, car il aura dû être préalablement réduit pour être placé dans le virus.  Dans ce cas, une simple prise de sang et l’analyse de l’ADN contenu dans les globules blancs de l’athlète pourrait suffire à démasquer les tricheurs.

Récemment, des techniques basées sur l’amplification en chaine par polymérase (PCR) et destinées à détecter les transgènes de l’EPO ont notamment été mises au point par une équipe de chercheurs de l’Université allemande du sport de Cologne.

« L’application pratique de la thérapie génique dans le sport devient un scénario de plus en plus probable et des options complètes de tests pour les pratiques de dopage génétique dans les contrôles antidopage sont donc hautement souhaitables », alertent ces chercheurs dans leur étude publiée en 2023.

Un prix exorbitant

Bien qu’il n’ai jamais été détecté de tels cas de triche chez les athlètes à ce jour, le risque de l’émergence du dopage génétique devient donc de plus en plus proche, confirmait en avril dernier le chercheur français Bruno Pitard au média Radio France Internationale : « il y a quelques années, cela me paraissait futuriste, mais il est normal que les laboratoires antidopage s’intéressent à la question. Petit à petit, nous nous rapprochons de plus en plus de choses possibles et réalisables chez l’humain ».

Ces nouvelles techniques de dopage se heurtent néanmoins encore à un obstacle de taille qui pourrait bloquer leur généralisation : le coût pour y avoir recours est exorbitant. Le prix des thérapies géniques s’élève en effet à plusieurs centaines de milliers, voire millions d’euros.

De quoi les rendre hors de portée des athlètes ? Peut-être. Mais en matière de lutte contre le dopage, mieux vaut toujours veiller à garder un coup d’avance.

Thomas Allard

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