L’inégalité d’accès au sport marque l’acte de naissance des disciplines sportives au XIXe siècle. Et même si l’on parle désormais de sport pour tous, les inégalités recommencent à s’accroître

Pour faire du sport, il faut avoir du temps libre. C’est une évidence mais au XIXe siècle, alors que la journée de travail oscille entre 10 et 12 heures, 6 jours sur 7, ça laisse peu de temps pour jouer à la baballe. Peu de temps et peu d’énergie. L’idéal du sport est alors l’amateurisme puisqu’il est facile d’être amateur lorsqu’on est rentier.

La tendance s’inverse peu à peu grâce à une certaine professionnalisation qui permet aux plus pauvres de pratiquer pour espérer en vivre. Le Front Populaire de 1936 renforce cette relative démocratisation et Léo Lagrange, sous-secrétaire d’État aux sports et à l’organisation des loisirs, met en place une politique de démocratisation du sport. Il procède à l’essaimage un peu partout de salles et structures sportives.

Peu ou prou, c’est le même objectif qui est rappelé en 1984 par la loi Avice qui souligne que le développement du sport est une mission de service public. Ce sera la dernière mesure ouvertement destinée à rendre plus égalitaire l’accès au sport.

Des inégalités en augmentation

Car aujourd’hui, si 71% des plus de 15 ans ont une activité physique au moins occasionnelle, elle varie fortement selon deux critères essentiels : le niveau de diplôme et son corollaire, le niveau de vie. Selon l’Injep 1, 75% de ceux qui sont dans le quart le plus aisé des Français ont pratiqué un sport dans l’année, contre 58% des bas revenus. Et 88% des titulaires d’un diplôme supérieur à bac +5 ont eu une activité sportive, contre 39% de ceux qui ne disposent pas de diplôme. Une division qui s’est fortement accentuée depuis 20 ans et une enquête similaire menée par l’Insee. Si les chiffres concernant les catégories les plus aisées ont peu bougé, les moins diplômés étaient alors 60% à faire du sport (contre 39% en 2022).

Cette différence sociale est particulièrement criante pour des sports qui nécessitent l’achat d’un matériel spécifique comme la voile, le golf et le ski : 9% des Français vont aux sports d’hiver. Mais 20% chez les cadres contre 6% dans les catégories populaires. Mais elle tend à s’accroître aussi dans des sports « pas chers » comme pourrait l’être la course à pied. Car s’il y a quelques années, on pouvait se contenter d’un vieux t-shirt et d’un short dépareillé, la mode tend à faire croire indispensable l’achat de vêtements de sport hors de prix (jusqu’à 180€ un T-shirt « technique »).

Surtout, le coût d’inscription aux courses est devenu impossible à prendre en charge pour toute une catégorie de la population : de 40 € il y a 20 ans, le Marathon de Paris coûte désormais de 140 à… 400 € ! Sans compter le déplacement et l’hébergement si l’on n’est pas Parisien.

Les associations dans la tourmente

L’institut de la statistique précise même que pour des sports considérés comme « plus répandus » (vélo, natation, marche…), plus le niveau de vie augmente, plus la pratique en fait de même. Et cette inégalité s’accroît avec l’âge : pour les plus de 50 ans, il n’y a que chez les plus riches que la pratique d’un sport dépasse les 10%. A cet âge, la principale raison du renoncement des moins riches est évidente : ils évoquent en premier lieu des problèmes physiques spécifiques aux métiers les plus difficiles, problèmes que n’ont pas les plus aisés qui peuvent continuer à faire du sport.

A cela s’ajoute depuis quelques années la chute drastique des subventions aux associations. Les sportives, comme les autres, subissent ces baisses que l’État fait porter aux collectivités. Et sont obligées d’augmenter leurs frais pour survivre. En campagne, elles se regroupent pour exister. Là où il existait une association sportive par village, on est parfois obligé de faire des dizaines de kilomètres pour exercer sa pratique.

Des disparités sociales et géographiques que la défenseure des droits n’a pas manqué de souligner dans son dernier rapport, rappelant que faire du sport « n’est pas un petit droit, un droit secondaire. […] Ces activités permettent le développement de l’enfant, son insertion sociale, son éducation et son épanouissement personnel. » De plus en plus limité à une seule catégorie de population.

Jean Luc Eluard

1 Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire. « Baromètre national des pratiques sportives 2020 », Rapports d’étude n° 2021/03, Injep, mars 2021

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