De nombreux travaux de recherches ont tenté de percer le secret de la réussite des athlètes kenyans et éthiopiens sur l’épreuve mythique du marathon. Mais les explications ne sont pas à chercher du côté de la génétique, elles se trouvent en réalité dans l’entrainement particulièrement exigeant et la culture sportive qui règne dans ces pays, indique le sociologue Benoit Gaudin, auteur de l’ouvrage de recherche « Coureurs de fond est-africains »    

C’est une véritable exception dans le monde de l’athlétisme. Les 10 marathons les plus rapides de l’histoire ont tous été courus par des coureurs kenyans ou éthiopiens.              

Cette domination sans partage de ces deux pays dure depuis plusieurs décennies, note Benoit Gaudin, sociologue à l’Université de Versailles Saint-Quentin : « avant les années 1950, les pays africains n’étaient pas admis dans les compétitions internationales. Mais une bascule s’est opérée en 1966 à Kingston en Jamaïque lors des jeux du Commonwealth où des athlètes kenyans commencent à battre des coureurs blancs. Puis cette tendance s’est confirmée en 1968 lors des JO de Mexico. Les athlètes blancs vont alors faire le choix de se détourner de la course de fond pour s’orienter vers d’autres épreuves comme le saut à la perche par exemple ».     

Des courses de plus en plus lucratives

Puis à partir des années 1980, tout s’accélère : « ce qui a réellement boosté l’athlétisme kenyan dans un premier temps, puis les coureurs éthiopiens, c’est la montée en puissance du professionnalisme et le fait que les courses deviennent de plus en plus lucratives. Cela a très fortement augmenté le nombre de coureurs de très bon niveau, et instauré une véritable compétition entre les athlètes de ces deux pays ».  

Peu à peu cette domination des athlètes est-africains sur les épreuves de marathon suscite la curiosité du monde scientifique, et les recherches destinées à débusquer le secret qui se cache derrière leurs excellentes performances se multiplient. Que ce soit leur capacité maximale d’absorption de l’oxygène, le nombre de globules rouges, l’irrigation sanguine de leurs muscles, ou encore le type de fibres musculaires : le corps des athlètes est-africains est scruté à la loupe. Mais voilà, les résultats obtenus ne montrent rien qui sorte de l’ordinaire.   

Même la piste génétique est explorée, afin d’identifier s’il n’existerait pas une sorte de « gène de la course de fond ». Là aussi, les recherches font chou blanc.

« Ils peuvent continuer à chercher, ils ne risquent pas de trouver grand-chose. Il n’existe aucun gène de la course de fond, de la même manière qu’il n’existe pas de gène de la mêlée chez les néo-zélandais au rugby ou encore de gène du hockey sur glace chez les canadiens », souligne l’auteur du livre « Coureurs de fond est-africains« .

Un entrainement extrêmement exigeant

Pour le sociologue qui a passé quatre années, entre 2014 et 2018, auprès de ces athlètes sur le terrain, l’explication est plutôt à chercher du côté des facteurs culturels. Les écoles est-africaines d’athlétisme sont en effet les plus exigeantes de la planète : « les coureurs kenyans et éthiopiens s’entrainent toute la journée. Elle est là la clé : leur vie est rythmée par la course, et il n’y a pas de place pour les loisirs. C’est une charge de travail que très peu d’Européens et d’Américains accepteraient de subir ».  

Autre avantage des athlètes est-africains : ils courent en groupe, indique Benoit Gaudin : « que ce soit en Ethiopie ou au Kenya, je n’ai jamais vu quelqu’un courir seul. Car l’apprentissage des techniques de course se fait par les entrainements en groupe. C’est le meilleur moyen de travailler les accélérations, les décélérations, de tenir sur la durée mais aussi d’apprendre les bons gestes de course, la bonne foulée ».

Cet environnement pousse les athlètes à se dépasser sans cesse. « Il n’y a aucun autre endroit au monde avec une telle émulation pour la course à pied », confiait en mai dernier à la Radio Télévision Suisse le marathonien franco-suisse Julien Wanders, établi à Iten dans l’ouest du Kenya. 

Mais ce système est tellement exigeant qu’il laisse de nombreux coureurs sur le carreau, déplore Benoit Gaudin : « on ne voit que ceux qui réussissent, mais il y a plein de gamins qui contractent des blessures à cause de cette trop grande exigence et qui doivent abandonner. Derrière les quelques champions qu’on met en valeur, il y a plusieurs milliers de gens qui s’entrainent à temps plein pendant plusieurs années, et tous les jours ». La médaille olympique est à ce prix.       

Thomas Allard           

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