Selon un récent rapport de la commission européenne, près de la moitié des miels importés sur le marché européen sont frauduleux. Comment lutter plus efficacement contre ces contrefaçons ? On fait le point avec Elias Bou-Maroun, maître de conférences en chimie analytique à l’Institut Agro de Dijon

Qu’il soit dégusté en tartines, avec du fromage de chèvre, ou encore dans les crêpes, le miel est indéniablement un des produits star de l’été. Mais il n’est pas rare qu’il soit falsifié.     

Un rapport publié en 2023 par la Commission européenne montre que 46 % des miels importés sur le Vieux Continent sont des faux. Ce qui représente une part conséquente du miel consommé dans l’Union : si l’Europe produit environ 218 000 tonnes de miel chaque année, elle en importe également 175 000 tonnes.   

Vendre du sucre au prix du miel

« Le miel est naturellement constitué d’un mélange de glucose et de fructose présents en proportions variables suivant l’espèce et l’origine. La fraude la plus courante consiste à ajouter des sirops dans le produit, afin de vendre du sucre au prix du miel. Les faussaires utilisent des sirops de maïs, de riz ou de betterave, et ils transforment si nécessaire une partie du glucose en fructose grâce à des processus enzymatiques afin de mimer au mieux la composition naturelle d’un miel », détaille Elias Bou-Maroun, maître de conférences en chimie analytique à l’Institut Agro de Dijon.           

De quoi permettre aux faussaires de réaliser une réelle plus-value : « en moyenne, un miel importé en Europe coûte 2,17 euros par kilo alors que les sirops de sucre fabriqués à partir de riz coûtent entre 0,40 et 0,60 euros au kilo », souligne l’ONG Foodwatch.

Derrière l’addition de sucre, la deuxième fraude la plus souvent détectée par la commission européenne concerne l’étiquetage mentionnant l’origine des miels. Des produits importés sur le Vieux Continent sont faussement présentés comme étant issus de l’Union Européenne.

Un arsenal de techniques analytiques

Alors, comment débusquer ces fraudes ? Les scientifiques disposent d’un véritable arsenal de techniques analytiques pour détecter les faux miels. Ces derniers sont minutieusement scrutés, jusqu’au niveau moléculaire, voire jusqu’à l’atome si nécessaire, afin de chercher au cœur de l’aliment le moindre indice de falsification. 

« Une première famille de méthodes analytiques dites ciblées, comme la chromatographie, ne permet de scruter qu’un seul élément du produit comme le sucre ou les polyphénols par exemple. Ces techniques sont efficaces uniquement si l’on connait précisément le type de fraude à rechercher », indique Elias Bou-Maroun.

Alors les scientifiques se tournent de plus en plus vers les méthodes non ciblées, comme le profilage par résonance magnétique nucléaire (RMN). Cette technique basée sur l’identification du type et du nombre d’atomes de carbone ou d’hydrogène présents dans les molécules organiques permet d’observer simultanément des centaines de composants dans l’aliment.

L’objectif est alors de réaliser une carte d’identité du produit, précise le chercheur : « le miel est placé dans un solvant, puis on passe le tout dans un spectromètre RMN afin d’obtenir un profil du produit, une sorte d’empreinte digitale qui permet de visualiser sa composition dans les moindres détails ». En comparant les résultats obtenus avec d’immenses bases de données constituées d’échantillons de référence, cela permet aux scientifiques de mettre en évidence d’éventuels ajouts de sucre, ou une falsification de l’origine géographique du miel.  

Réaliser des analyses hors des labos

Mais ces analyses restent très coûteuses, et donc peu accessibles. Elles ne sont ainsi pas systématiquement réalisées par les industriels, ce qui conduit une partie des faux miels à passer entre les mailles du filet.

« Afin de mieux lutter contre la fraude, il faut généraliser les contrôles. Il est donc nécessaire de développer des méthodes d’analyse rapides, moins chères, et accessibles à un plus grand nombre de personnes. Les techniques de spectroscopie infra-rouge qui donnent accès à une grande quantité d’informations sur la composition en flashant le produit sont vraiment prometteuses. On peut imaginer par exemple que dans quelques années, un revendeur qui souhaite savoir si le miel qu’il a sous les yeux est trafiqué puisse le scanner grâce à une application intégrée dans son smartphone », souligne le chercheur.

Mais en attendant, le grand public n’a quant à lui pas accès à de tels outils. Alors comment éviter de tomber sur un faux miel ? « La plupart des miels frauduleux épinglés par la commission européenne viennent de Chine et de Turquie. Le fait d’acheter du miel français réduit les chances de tomber sur un produit qui ne serait pas authentique. Et si possible, il est intéressant de privilégier les circuits courts en l’achetant à un apiculteur près de chez soi », propose Elias Bou Maroun. De quoi réduire le nombre d’intermédiaires, et donc les possibilités de fraudes.

Thomas Allard

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