Les équipes de football remportent significativement plus de matchs dans leur propre stade que lorsqu’elles jouent à l’extérieur. Cela serait-il dû à la présence de leurs supporters qui, en poussant derrière leur équipe tout le match, contribuent à la faire gagner ?
A l’occasion de l’Euro de football 2024 qui aura lieu en Allemagne à partir de ce 14 juin et jusqu’au 14 juillet, de nombreux français feront le déplacement pour supporter les joueurs tricolores de Didier Deschamps. Mais les fervents supporters, que l’on surnomme parfois « le 12ème homme », ont-ils réellement une influence sur le résultat des matchs ?
Plus de victoires à domicile
Un premier constat appuyer cette hypothèse : les équipes gagnent significativement plus souvent lorsqu’elles jouent à domicile plutôt qu’à l’extérieur. Lors de la saison 2023-2024 de Ligue 1, on dénombre par exemple 39,2 % de victoires pour les équipes jouant à domicile contre 34, 3 % pour celles qui jouent à l’extérieur. Disputer un match dans son propre stade est un réel avantage.
Mais cela est-il lié au rôle joué par les spectateurs, ou bien à d’autres facteurs ? Pour mesurer cela, il faudrait que de nombreux matchs soient joués sans la présence du public dans le stade, à huis-clos. C’est exactement ce qu’il s’est produit lors de la pandémie de la Covid-19, en 2020. La mise en place des mesures sanitaires a conduit les équipes des championnats européens à disputer une longue série de matchs dans des stades complètement vides.
Résultat : dans les 63 ligues professionnelles passées au crible par le Centre international d’étude du sport (CIES) de Neuchâtel en Suisse, la proportion de victoires des équipes à domicile est passée de 44,3 % sur la période 2015-2020 à 42,2 % après l’explosion de la pandémie. Cette très légère baisse montre que l’équipe qui joue à domicile conserve un avantage indéniable, même sans la présence de son public.
Peu d’influence du public
Des chercheurs de l’université de Cologne en Allemagne ont récolté des données sur près de 1000 matchs professionnels disputés dans des stades vides au cours de la crise sanitaire, et ont analysé les données issues des divisions amateurs du football allemand.
Et ils arrivent à la même conclusion. « Les spectateurs ne semblent pas être le principal facteur déterminant de l’avantage du terrain. Les résultats du football amateur, qui se joue naturellement en l’absence de public, fournissent une preuve supplémentaire que l’avantage du terrain est principalement dû à des facteurs qui ne sont pas imputables directement ou indirectement à un nombre important de spectateurs », détaillent les chercheurs dans leur étude.
Néanmoins, ces derniers précisent que lorsqu’il n’y a pas de public dans le stade, les arbitres sanctionnent moins régulièrement l’équipe visiteuse. Selon les chercheurs, il pourrait donc exister un « biais d’arbitrage induit par la foule ». En d’autres termes, en mettant la pression sur l’arbitre, les spectateurs le conduiraient à sanctionner davantage l’équipe adverse. Mais voilà, les résultats obtenus au cours de la pandémie montrent que cet effet sur l’arbitrage est loin d’être suffisant pour expliquer l’avantage conféré par le fait de jouer à domicile.
Habitudes, tactique et climat
Une étude menée en 2008 par le chercheur américain Richard Pollard a tenté d’identifier ces différents facteurs qui font gagner les équipes locales. Selon cette publication, la fatigue liée au déplacement ne semble par impacter l’équipe visiteuse de manière significative.
En revanche, le fait de jouer dans un stade familier au sein duquel les joueurs ont leurs repères semble conférer un réel avantage, notamment si le terrain présente des dimensions inhabituellement grandes ou petites.
Les conditions climatiques locales, ou encore l’altitude auquel se trouve le stade sont également des facteurs qui peuvent avantager les équipes à domicile. Enfin, l’approche tactique du match semble aussi jouer un rôle : « si l’équipe à l’extérieur adopte une approche plus prudente et défensive, on peut s’attendre à ce que l’équipe à domicile bénéficie d’un avantage territorial et psychologique », précise cette étude.
Mais il reste particulièrement difficile d’isoler ces différents facteurs afin d’évaluer leur réel impact sur les performances des joueurs. « Il est clair qu’il reste encore beaucoup à apprendre sur les mécanismes complexes à l’origine de l’avantage du terrain, tant dans le football que dans d’autres sports. Ce sujet reste un domaine de recherche fructueux pour les historiens du sport, les sociologues, les psychologues et les statisticiens », soulignait le chercheur Richard Pollard en 2008.
Alors, 16 ans plus tard, toute la lumière n’a pas encore été faite sur ce qui confère ce fameux avantage aux équipes locales. Mais une chose est sûre : si les supporters n’influencent probablement pas le résultat du match, leur présence reste nécessaire pour mettre l’ambiance et contribuer ainsi à faire du football le sport le plus populaire au monde.
Allez les Bleus !
Thomas Allard