Peut on être addict au sucre, au même titre que l’on peut être addict ou accro à l’héroïne ? « Non » répondent les médecins, en l’état actuel des connaissances. Explications
Le sucre est-il plus attractif que l’héroïne ou la cocaïne, substances hautement addictives et nocives ? Oui si l’on est un rat de laboratoire. Au début des années 2000, le neurobiologiste Serge Ahmed, aujourd’hui directeur de recherches à l’université de Bordeaux/CNRS, a observé que l’immense majorité des rats, placés dans la situation de choisir entre une solution d’eau sucrée à la saccharine (un édulcorant intense sans calories) et de la cocaïne intraveineuse, optaient pour la solution sucrée. Publiés en 2007 dans la revue Plos one, ces « résultats démontrent clairement que le goût sucré intense peut surpasser la récompense de la cocaïne, même chez les individus sensibilisés et dépendants aux drogues » concluaient alors les auteurs.
Des expériences menées sur des modèles animaux et non l’homme
D’autres expériences sur des rongeurs, menées par des équipes différentes, ont également mis en avant des similarités comportementales et neurologiques entre la consommation de sucre et de drogues. « Mais les résultats obtenus sont à relativiser au regard de leur contexte », souligne Camille le Corre dans sa thèse de doctorat en pharmacie soutenue en 2020.
« Malgré une forte ressemblance avec la consommation de substances psychoactives, la consommation addiction-like du sucre n’est observée qu’en cas d’accès intermittent et présente des divergences sur les plans comportemental et neurobiologique par rapport à l’addiction aux drogues. De plus, indépendamment de la solidité ou non des preuves apportées par les études animales, il faut garder à l’esprit qu’on ne peut les transposer directement à l’homme. »
L’addiction au sucre n’est pas (encore) reconnue
« L’expression de cette addiction chez l’humain, en conditions réelles de vie, est débattue » rappelle pour sa part Didier Chapelot, médecin et chercheur au sein de l’Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle (1). Au terme d’une revue de la littérature existante. « il apparait qu’il est encore prématuré de faire de l’addiction au sucre une entité de psychiatrie clinique au même titre que les autres addictions aux substances psychoactives », conclue-t-il dans un avis critique paru dans la revue Médecine des maladies métaboliques.
Peut on être addict au sucre, au même titre que l’on peut être addict à l’héroïne ? « Au sens strict non ! » tranche le Professeur Amine Benyamina, psychiatre addictologue, dans une vidéo postée sur le réseau Tik Tok. Cette appétence, aussi grande soit-elle, ne répond pas aux critères de l’addiction fixés par des instances internationales de santé mentale et répertoriés dans un manuel : le Diagnostic and Statistical manual of Mental disorders (DSM). En revanche, une consommation excessive de sucre peut être facteur de désordres métaboliques graves, tels que le diabète. Aussi est-il à consommer avec modération (2). Et dans son plus simple appareil, en évitant au maximum les sucres ajoutés et les édulcorants.
Alexandrine Civard-Racinais
- Inserm 1153/Inra 1125/Cnam/Université de Paris – Paris 13
- L’Anses recommande aux adultes de ne pas consommer plus de 100 g de sucres totaux par jour et pas plus d’un verre de boisson sucrée.
A savoir :
L’addiction est une pathologie qui repose sur la consommation répétée d’un produit (tabac, alcool, drogues…) ou la pratique anormalement excessive d’un comportement (jeux, temps sur les réseaux sociaux…) conduisant à :
- une perte de contrôle du niveau de consommation/pratique
- une modification de l’équilibre émotionnel
- des troubles d’ordre médical
- des perturbations de la vie personnelle, professionnelle et sociale
Source : Addictions, dossier de l’Inserm.
Avec le soutien du ministère de la culture