Qu’ils soient en situation de handicap ou pas, tous les élèves ayant des besoins particuliers se trouvent au croisement de plusieurs environnements : l’école, la famille et, pour certains, les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux.
Pour garantir de bonnes conditions d’accès aux savoirs, il convient de créer des liens de partenariat entre les acteurs internes et externes à l’école, ce qui favorise le partage d’expériences. Il s’agit de trouver un langage commun et de négocier une action conjointe pour mieux soutenir le projet scolaire des élèves.
En effet, de nombreux facteurs peuvent contribuer à entraver les apprentissages d’un élève tels que l’évolution de son état de santé, de sa situation familiale, sociale. Le statut des différents adultes (enseignant, parent, éducateur, soignants) va aussi impacter les interactions avec les élèves, chacun parlant de sa perspective propre.
Une approche écologique pour comprendre les situations vécues par les élèves
L’environnement dans lequel évolue chaque individu impacte son développement et ses manières d’agir. C’est ce que suppose la théorie écologique du psychologue et chercheur Bronfenbrenner. Ainsi, lorsqu’on veut favoriser l’accessibilité des savoirs à l’école, il faut d’abord s’intéresser aux contextes dans lesquels apparaissent des situations nécessitant des aménagements. Par exemple, la localisation de l’établissement scolaire peut être importante (zone rurale, urbaine, collège situé en réseau d’éducation prioritaire).
Cette démarche permet de mieux comprendre les spécificités des interactions entre les élèves et leur environnement. Chaque établissement scolaire s’inscrit aussi dans une histoire et, depuis la loi du 10 juillet 1989, dans un projet d’établissement. Tous ces éléments de contexte vont avoir un impact sur les échanges entre les enseignants et leurs élèves.
Enfin, une situation d’enseignement peut être comprise comme une représentation de la vie quotidienne d’un enseignant et d’un élève qui vont chacun adopter des comportements que l’autre va interpréter et qui vont influencer leurs manières d’être et d’agir dans la situation, nous dit le sociologue Erwing Goffman.
Ces interactions mettent en jeu ces acteurs et vont se dérouler au sein de situations didactiques créées pour transmettre des connaissances et aider l’élève à apprendre. Une situation n’est donc pas figée puisqu’elle est appelée à se transformer comme le montre Benasayag avec la théorie de la situation et s’inscrit donc dans une réalité concrète. https://www.youtube.com/embed/T265KMyjRAo?wmode=transparent&start=0 L’intégration des enfants handicapés dans le système scolaire (Franceinfo/INA, 2019).
Un enseignant qui cherche à aménager ses pratiques pédagogiques va opérer une définition de la situation en pensant aux actions qu’il souhaite mener pour favoriser l’accessibilité.
Cette approche écologique de l’éducation inclusive nous amène à considérer que le développement d’un élève en situation de handicap dépend de facteurs liés à son environnement scolaire. Or, les élèves en situation de handicap se situent au croisement de plusieurs environnements comme leurs pairs mais avec des besoins supplémentaires, qui nécessitent d’interagir aussi avec l’environnement du care.
C’est pourquoi la question du partenariat entre les acteurs internes et externes à l’école se pose afin d’analyser les situations d’interaction entre un élève en situation de handicap et son enseignant et de répondre au plus près aux besoins d’aménagement tout en développant l’accessibilité à l’école.
Agir ensemble, pour quels objectifs ?
Les élèves avec des besoins particuliers interagissent avec plus ou moins d’environnements en fonction des situations. Lorsqu’ils sont à l’école, ils peuvent rencontrer des obstacles, qui peuvent s’expliquer en partie par des facteurs externes. C’est pourquoi il est nécessaire d’articuler les actions de chaque professionnel intervenant auprès d’eux avec celles des professionnels de l’école.
Cette manière de penser les situations vécues par les élèves à l’école a pour but d’éviter les malentendus et les obstacles liés notamment à l’utilisation du langage et à la culture des acteurs. « Le sens d’un mot ne dépend pas de sa signification mais de son usage » disait ainsi le philosophe Ludwig Wittgenstein. Par exemple, l’interprétation du comportement d’un élève en classe dans une situation d’enseignement pourra être comprise de plusieurs manières en fonction des acteurs et implique un travail de partenariat.
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Prenons l’exemple, de Lucas, 16 ans. Il prépare un CAP et bénéficie d’aménagements pédagogiques compte tenu de troubles du comportement dans certaines situations qui l’entravent dans ses apprentissages. En parallèle, il bénéficie d’un suivi dans un établissement spécialisé. La question s’est donc posée de savoir comment permettre à ce garçon de s’apaiser quand il est trop en tension.
Une rencontre entre les partenaires a alors permis d’évoquer le besoin de « sas » pour lui permettre de décompresser (autrement dit, un lieu identifié pour se récupérer). Ce terme est particulièrement intéressant car il dépasse les interprétations éducatives ou soignantes des adultes en lien avec lui pour être utilisé de manière transversale dans les espaces (de l’école, de la famille, du « care ») avec le même sens.
Partenariats ou collaborations ?
Le Pôle inclusif d’accompagnement localisé (PIAL) pourrait aussi être un espace adapté pour mettre en œuvre un partenariat inclusif car il permet une collaboration entre des enseignants spécialisés, des AESH (Accompagnants d’elèves en situation de handicap) et des éducateurs spécialisés.
La Haute autorité de santé (HAS) encourage également la création de liens plus étroits entre les acteurs du soin et de l’éducation et l’école au sein de la communauté éducative afin de mettre en œuvre des actions partagées autour de plusieurs axes : aider l’enfant à être acteur de sa scolarité, impliquer les parents dans la scolarité de l’enfant. Ce partenariat peut prendre plusieurs formes et sa réussite implique un engagement de tous les acteurs.
L’Équipe de suivi de scolarisation (ESS) est un autre exemple d’espace de travail entre partenaires. Elle regroupe toutes les personnes qui participent à la mise en œuvre du Projet personnalisé de scolarisation (PPS) d’un élève en situation de handicap : les parents, le professeur principal, la Conseillère principale d’éducation (CPE) mais aussi des acteurs externes à l’école en fonction des situations et des besoins, qui interviennent dans le champ social, médico-social ou sanitaire.
Mais faut-il parler davantage de partenariat ou de collaboration ? Deux approches sont possibles : distinguer ces deux notions en parlant de « partenariat entre professionnels » et de « collaboration entre enseignants et parents » ou considérer que ces deux notions se complètent dans la mise en œuvre de l’école inclusive. Mais un contexte d’école inclusive n’empêche pas forcément certaines limites (des contraintes organisationnelles qui s’imposent à l’école ou encore un manque de confiance et de l’incompréhension dans les relations parents/école).
Il est donc essentiel de développer un « agir ensemble » car le partenariat est un élément clé au cœur du projet d’école inclusive. Il nécessite la mise en commun des expertises entre les différents acteurs ou la réalisation d’actions conjointes négociées.
Le développement de l’accessibilité à l’école est une réalité concrète impliquant de nombreux acteurs internes à l’école mais aussi externes comme des institutions sociales, médico-sociales et sanitaires. En effet, les besoins d’aménagements sont multiples et étroitement liés à des situations spécifiques. C’est pourquoi il est utile de penser le partenariat en prenant appui sur la pensée complexe promue par Edgar Morin, c’est-à-dire « ce qui est tissé ensemble ».
Cette démarche implique de penser les contradictions et les complémentarités mais aussi de considérer que tous les acteurs (école, élèves, parents, professionnels du care) produisent l’école inclusive qui elle-même produit les acteurs. Enfin, un tel travail de liaison contribue à façonner des représentations d’une école véritablement inclusive tout en reconnaissant la place de chacun.
Jean-Yves Anjard, Docteur en sciences de l’éducation et de la formation, Université de Bordeaux
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.