Le cadmium, un élément métallique que l’on retrouve très fréquemment dans l’environnement à l’état naturel, mais aussi en raison des activités industrielles et agricoles est susceptible de contaminer les végétaux. Il pénètre ainsi dans la chaine alimentaire et peut s’avérer néfaste pour la santé des consommateurs
Le cadmium est un polluant plutôt méconnu du grand public. Pourtant, on le retrouve à de faibles concentrations dans de nombreux aliments, comme les céréales, les légumes, ou les pommes de terre.
« Cela arrive quand les cultures agricoles poussent sur un sol contaminé au cadmium, que ce soit de manière naturelle à cause de la composition de la roche mère sur laquelle il s’est formé, ou bien suite à l’apport d’engrais phosphatés, d’amendements organiques, ou de retombées atmosphériques contaminées par cet élément trace métallique », souffle Jean-Yves Cornu, chargé de recherche au sein de l’unité mixte de recherche Interactions sol plante atmosphère (ISPA) de l’INRAE de Bordeaux.
Un contaminant opportuniste
« Ce polluant va ensuite s’introduire dans la plante via les racines, en empruntant le même chemin que d’autres éléments nutritifs comme le zinc ou le fer. On pourrait dire qu’il voyage en clandestin. Et certaines cultures sont plus accumulatrices que d’autres, c’est-à-dire qu’elles vont avoir tendance à davantage prélever le cadmium du sol. C’est notamment le cas du riz et du blé dur », poursuit le chercheur. Une fois ingéré, il s’accumule dans l’organisme et en particulier dans les reins qui stockent jusqu’à 50 % de la charge corporelle en cadmium.
Or cet élément indésirable est susceptible d’entraîner des maladies rénales et des déminéralisations osseuses. Il a également été classé cancérogène chez l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer. Il est notamment suspecté de favoriser le développement de tumeurs du sein, de la prostate, des testicules, et du pancréas.
Une contamination à la hausse
L’organisme Santé publique France a mené une étude sur plusieurs années afin de mesurer le niveau de contamination de la population française. Les résultats, publiés en 2021, montrent que 12 % des adultes et 18 % des enfants présentent une imprégnation en cadmium qui dépasse les valeurs toxicologiques de référence en-dessous desquelles il n’existe aucun risque connu d’effets défavorables sur la santé. Plus préoccupant encore, ces résultats montrent une hausse des niveaux d’imprégnation dans la population adulte par rapport à ceux de l’étude nationale nutrition santé conduite en 2006-2007. Et cette tendance pourrait être directement liée à une augmentation du niveau de contamination des aliments.
Les denrée qui contribuent le plus à cette contamination au cadmium de la population adulte sont le pain et les produits de panification sèche (22 %), les pommes de terre et apparentés (12 %), puis les légumes (10 %) et les pâtes (6 %). Chez les enfants, ce sont les pommes de terre et apparentés qui arrivent en tête (14 %), suivi du pain et des produits de panification sèche (13 %), puis des légumes et des pâtes (8 %). « Les céréales contribuent de manière assez importante à notre alimentation et certaines comme le blé dur ont tendance à accumuler le cadmium dans leurs grains », souligne le chercheur.
Limiter l’exposition
Alors comment réduire cette contamination ? Chez les fumeurs, le premier levier mobilisable est l’arrêt du tabac. Car ce dernier contribue à augmenter de taux d’imprégnation moyen au cadmium mesuré dans les urines de 54 %, selon l’étude menée par Santé publique France.
Mais pour les non-fumeurs, l’exposition est à 90 % d’origine alimentaire. « L’alimentation est donc un levier qu’il faut encadrer », souligne le chercheur. En France, des contrôles sont d’ailleurs réalisés au niveau des systèmes de collecte sur les denrées alimentaires. Si l’une d’elles dépasse les seuils autorisés, elle ne sera pas commercialisable.
Sélection variétale
Afin d’éviter ces pertes, de réduire les taux de cadmium, et de limiter ainsi l’exposition de la population à cet élément indésirable, les scientifiques travaillent notamment à l’élaboration de variétés peu accumulatrices de cadmium, confie Jean-Yves Cornu : « Un important travail préliminaire a été mené au Canada, où l’on a constaté que les variétés de blé dur qui accumulent le plus de cadmium étaient celles qui le retenaient le moins efficacement dans leurs racines. Des études ont montré que ces variétés accumulatrices possédaient un allèle (variante d’un gène) non fonctionnel d’un gène codant pour la séquestration du cadmium et du zinc dans la vacuole des cellules des racines ».
Le fait de rendre cet allèle non fonctionnel a permis d’obtenir des grains plus riches en zinc. Car il n’est alors plus piégé dans les racines, ce qui est intéressant du point de vue nutritionnel. Mais le revers de la médaille c’est que cela a aussi conduit à retrouver davantage de cadmium dans les grains, car, tout comme le zinc, ce polluant n’est alors plus bloqué dans les racines des plantes.
Le travail désormais mené par les scientifiques de l’INRAE, en collaboration avec les membres de l’interprofession céréalière Arvalis et certains semenciers consiste donc à essayer de développer des variétés de blé qui accumulent peu de cadmium, sans pour autant sacrifier la richesse en oligo-éléments des grains. Un sacré challenge.
Thomas Allard