1 QUESTION À. Chaque année, la revue médicale Prescrire publie sa liste noire des médicaments dangereux. Pour 2024, elle comporte 105 médicaments, dont 88 commercialisés en France. Lesquels sont-ils en vente libre et quelles sont les alternatives ? Explications de la pharmacienne Séverine Carré-Pétraud, directrice éditoriale de Prescrire
Séverine Carré-Pétraud : « Disponibles sans prescription médicale, certains médicaments ont une balance bénéfices-risques défavorable. C’est par exemple le cas de ceux à base de pseudoéphédrine et molécules apparentées (éphédrine, naphazoline, oxymétazoline, etc.), utilisées comme décongestionnant dans des médicaments comme Actifed Rhume, Dolirhume ou Humex Rhume. Ces substances ont un effet vasoconstricteur : elles resserrent les vaisseaux sanguins, ce qui réduit les gonflements et la production de mucus liés au rhume. Mais elles exposent à des troubles cardiovasculaires graves voire mortels : poussées hypertensives, accidents vasculaires cérébraux, troubles du rythme cardiaque, etc.
Des effets indésirables disproportionnés pour des médicaments « de confort », destinés à soulager des troubles bénins qui disparaissent au bout de quelques jours. Malgré nos alertes répétées, le comité d’évaluation du risque de l’Agence européenne des médicaments (EMA) ne remet pas en cause la disponibilité de ces produits.
Boire, faire des lavages de nez, se moucher, prendre du paracétamol en cas de maux de tête en respectant la posologie et s’armer de patience aident à soigner un rhume. »
Des anti-toux pas plus efficaces qu’un placebo et… mortels
« Plusieurs sirops contre la toux ou les maux de gorge (ambroxol, bromhexine, alpha-amylase, etc.) sont aussi à proscrire : ils ne sont pas plus efficaces qu’un placebo et exposent à des réactions allergiques graves, parfois mortelles (chocs anaphylactiques, érythèmes polymorphes, etc.). L’antihistaminique oxomémazine, lui, a des effets neuropsychiques et sédatifs. Et l’antitussif pentoxyvérune peut provoquer des troubles cardiaques et des réactions allergiques graves.
S’hydrater avec des tisanes à base de thym ou de boissons sucrées au miel (sauf chez les enfants de moins un an en raison du risque de botulisme infantile), sucer des confiseries ou opter pour des sirops à base de plantes, prendre du paracétamol soulagent la gorge. »
Des antiémétiques exposant à des AVC et des morts subites
« Contre les troubles intestinaux tels que diarrhées, brûlures gastriques ou reflux gastro-œsophagiens, les argiles médicamenteuses type Smecta sont à écarter : elles sont naturellement polluées en plomb, un métal aux effets toxiques neurologiques, hématologiques, rénaux, cardiovasculaires et reprotoxiques. Dans tous les cas, il faut compenser les pertes liquidiennes en buvant et en recourant aux solutés de réhydratation. Et modifier son alimentation au profit du riz, des bananes et yaourts.
Les anti-nausées et vomissements (antiémétiques) tels Motilium, Vogalène et Vogalib, des neuroleptiques, exposent à des troubles du rythme cardiaque, des accidents vasculaires cérébraux ischémiques et des morts subites. Des effets indésirables disproportionnés par rapport à la faible efficacité des traitements. En outre, en général, ces maux disparaissent en quelques jours grâce à une bonne hydratation et une alimentation adaptée. »
Informer soignants et patients pour mieux protéger ces derniers
« Certes à l’échelle individuelle, les effets indésirables sont rares, mais à l’échelle collective, ils existent et sont graves. Aucun de ces médicaments, plus dangereux qu’utiles, n’est indispensable, autant éviter d’en prendre ! Notre bilan est disponible en accès libre afin de toucher un grand nombre de soignants (médecins, pharmaciens, etc.) et de patients qui pourraient s’interroger sur leur traitement. »
Propos recueillis
par Florence Heimburger