1 QUESTION A. Le niveau moyen de la mer s’élève à un rythme accéléré, notamment en raison de la fonte des calottes de glace en Antarctique et au Groenland. A quelle échéance cette élévation dépassera-t-elle 2 mètres ? Nous avons posé la question à Gaël Durand, spécialiste des glaciers
Gaël Durand : « Le niveau moyen des mers a déjà augmenté d’une vingtaine de centimètres au cours du XXe siècle. Et cette élévation s’accélère. Elle est aujourd’hui de l’ordre de 4 mm par an, soit une augmentation deux fois plus rapide que par le passé. Cette élévation est en grande partie alimentée par la perte de masse des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique. A elles seules, ces calottes contribuent à près de 1 mm à cette élévation.
Les calottes libèrent de l’eau douce
Les calottes glaciaires résultent de l’accumulation de neige sur un continent. Elles représentent de gigantesques réservoirs d’eau sous forme solide. Si toute la calotte groenlandaise venait à fondre, cela représenterait 7 mètres d’élévation du niveau de la mer. L’Antarctique, est le géant absolu. Il représente une réserve d’eau douce de 58 mètres.
Ce que regardent les scientifiques, c’est le bilan de masse des calottes qui correspond à la différence entre l’accumulation et la perte de glace. Aujourd’hui les calottes présentent un bilan de masse négatif : les pertes sont supérieures aux gains. En Antarctique, c’est essentiellement le vêlage d’iceberg (bloc de glace qui se détache) et la fonte au contact de l’océan qui fait perdre de la masse à la calotte. Au Groenland, la glace de surface à tendance à fondre davantage l’été.
Les calottes menacées de disparition
Il est important de noter que si la perte de masse est importante, la surface perd de l’altitude. Il y fait alors plus chaud et la fonte s’accentue. C’est ce que l’on appelle une rétroaction positive et on arrive à un point de bascule. Si les précipitations ne sont plus suffisamment solides et pérennes, la calotte est amenée à disparaitre. La calotte groenlandaise subit d’ores et déjà cette rétroaction. L’Antarctique de l’Ouest est elle aussi susceptible de s’effondrer, pour d’autre raisons liées à la mécanique de la glace.
Pour le Groenland comme pour l’Antarctique, on estime que les points de bascule, se situent entre 1,5°C et 2°C de réchauffement par rapport à la période pré-industrielle. Aujourd’hui nous en sommes à 1,1°C. Autrement dit, si le climat continue de se réchauffer, on pourrait progressivement perdre de grandes étendues de nos deux calottes glaciaires. De sorte que l’on ne peut pas exclure une élévation de deux mètres, même à l’échelle d’un siècle.
Atténuer nos GES et s’adapter au plus vite
La question est de savoir quand ? Si l’on se réfère aux projections du 6eme rapport du GIEC, ce processus pourrait prendre deux millénaires si nous prenons une trajectoire vertueuse, fidèle aux accords de Paris. Si nous continuons d’émettre de plus en plus de GES, cette augmentation de plus de 2 mètres pourra être atteinte d’ici un siècle, à l’horizon 2130.
Le territoire français n’échappera pas à cette montée des eaux. On peut penser en particulier à la Camargue, au Marais poitevin, à l’estuaire de la Gironde, ou au bassin d’Arcachon… Aussi est-il indispensable de décarboner notre activité pour avoir le plus de temps possible devant nous. Et travailler d’ores et déjà à des solutions d’adaptation, la poursuite de l’élévation du niveau de la mer étant irrévocable. »
Propos recueillis
par Alexandrine Civard-Racinais
Pour en savoir plus :
- Le site du projet PROTECT, cordonné par le CNRS.
- Le simulateur des zones exposées à l’élévation du niveau de la mer à marée haute proposé par le GRGM, partenaire du projet PROTECT.
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