Des scientifiques réunis au sein de XAIDA, un consortium scientifique européen, sonnent l’alerte. En 2023, sur les 26 événements climatiques extrêmes répertoriés, 23 sont liés au changement climatique d’origine humaine
Dans quelle mesure le changement climatique d’origine humaine est-il impliqué dans la survenue de phénomènes météorologiques extrêmes, tels que la tempête Ciarán en Bretagne ou les inondations qui ont sinistré le Pas-de-Calais ? C’est l’une des questions auxquelles il est désormais possible d’apporter une réponse. Et ce, grâce à un nouvel outil utilisé par les scientifiques de XAIDA, un consortium réunissant le CNRS et 14 autres instituts climatiques européens de premier plan.
Fruit d’une collaboration internationale, ClimaMeter permet de définir très rapidement dans quelles proportions les phénomènes météorologiques extrêmes étudiés résultent de la variabilité climatique naturelle et du changement climatique d’origine humaine. Grâce à cet outil, développé par le Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (Institut Pierre Simon Laplace), les scientifiques peuvent aussi estimer le degré d’unicité de certains événements. Pour comparer les événements climatiques extrêmes passés et actuels similaires, ils s’appuient sur des données datant de 1979 à aujourd’hui.
Qu’est ce que « la science de l’attribution«
« la science de l’attribution concerne l’identification des causes des changements dans les caractéristiques du système climatique (par exemple, les tendances, les événements extrêmes uniques) »
GIEC
Des inondations sans précédents dans le Pas-de-Calais
Les résultats obtenus sont sans appel ! En 2023, sur les 26 événements climatiques extrêmes répertoriés, 23 sont liés au changement climatique d’origine humaine. Dans le cas des inondations qui se sont déroulés dans nord de la France et le nord de l’Italie, à l’automne 2023, ClimaMeter a notamment permis de mettre en évidence des « changements de températures » pouvant aller jusqu’à + 3 degrés dans le nord de la France, le Bénélux et les Alpes.
Ils ont aussi noté des « changement de précipitations dans les régions analysées qui suggèrent que ces évènements sont maintenant plus humides de 1 mm/jour à 3 mm/jour sur le nord de la France et le nord de l’Italie ce qui représente 30 mm à 60 mm sur l’ensemble de la période soit 15 à 30% de précipitations en plus dans le présent par rapport au passé », souligne Davide Faranda. Ce dernier est climatologue au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement* et directeur des recherches sur les cyclones tropicaux et méditerranéens au sein du consortium XAIDA.
Une évolution en lien avec l’augmentation des eaux de températures de surface de l’océan et l’augmentation des températures atmosphériques. « Une atmosphère plus chaude peut contenir plus de vapeur d’eau, ce qui entraîne une augmentation des précipitations ».
Des tempêtes toujours plus intenses
En 2023, la planète a en effet connu des événements climatiques extrêmes couplés à de nouveaux records de températures. D’après les calculs du programme européen Copernicus, la température moyenne planétaire a augmenté de + 1,48 °C au-dessus des températures relevées avant l’ère industrielle. Ces températures record ont fortement augmenté l’intensité des vagues de chaleur, des sécheresses et des précipitations extrêmes associées à des tempêtes.
Ce fut le cas lors de la tempête Ciarán, caractérisée par une fusion inhabituelle de fortes précipitations et de vents violents sur de vastes régions. Qualifiée de « bombe météorologique » par les experts, la tempête Ciarán a fait de nombreuses victimes dans tout le nord-ouest de l’Europe et causé d’importants dégâts matériels.
« Le grand nombre d’évènements extrêmes dévastateurs enregistrés en 2023 et le rôle important du changement climatique causé par l’homme dans nombre d’entre eux soulignent la nécessité d’une adaptation des sociétés du monde entier », ont plaidé ce mardi 9 janvier 2024 les scientifiques de XAIDA à l’occasion d’une présentation de leurs résultats à la presse.
A l’intensification des phénomènes climatiques vécus doit correspondre une intensification de nos efforts pour atténuer nos émissions de gaz à effet de serre et nous adapter autant que possible aux changements en cours.
Alexandrine Civard-Racinais
* IPSL, CEA/CNRS/UVSQ – Université Paris-Saclay