Deeper Pulse propose d’améliorer l’efficacité de tous les moteurs électriques. Avec potentiellement des gains qui ne sont limités que par la possibilité technique de les fabriquer. Des moteurs idéaux qui repoussent les utilisations auxquelles on a pu penser
Thomas Baudoin est enthousiaste : « On parle de solutions de design qui vont plus loin que ce qu’un cerveau humain peut imaginer. » Par exemple, peu d’ingénieurs auraient l’idée de créer des moteurs électriques asymétriques. Alors qu’en terme de rendement, cela peut permettre d’aider à le recharger plus vite. Pour le CEO de Deeper Pulse (l’hommage à Deep Purple n’est pas fortuit), la solution développée à partir des années 90 par Frédéric Messine et commercialisée désormais par son entreprise permet de « décloisonner le processus d’innovation. C’est une révolution de fond. »
A la base, il y a l’optimisation topologique. Un système de design qui existe depuis les années 80. En gros, on prend un bloc de matière et on en retire tout ce qui est inutile pour obtenir l’objet que l’on veut. C’est ainsi que l’on a conçu des ailes d’avion, des ponts ou des cadres de vélo… C’est dans les années 2010 que Frédéric Messine (Laboratoire plasma et conversion d’énergie LAPLACE, à Toulouse) se demande si l’on ne peut pas faire de la topologie électromagnétique. A savoir adapter ce système à tout ce qui utilise un courant pour créer une énergie mécanique. Essentiellement des moteurs. Mais aussi des hauts-parleurs, des antennes, etc.
Multiplier les paramètres
La difficulté dans ce cas, c’est qu’on « repousse les limites dans plusieurs dimensions ». Il ne s’agit pas uniquement d’enlever de la matière mais de choisir aussi quelle matière est la plus pertinente et comment la disposer. Car on a affaire là à un système en mouvement, qui n’est pas soumis uniquement au champ de la gravitation mais aussi aux champs électromagnétiques. Il faudra quatre années de calcul pour trouver l’algorithme adéquat, qui intègre ces données et offre la possibilité de concevoir un moteur le plus efficace possible.
De l’idéal au faisable
L’autre difficulté surmontée par Deeper Pulse, c’est comment passer de l’idéal au réalisable. Parce que c’est bien joli de créer un moteur théoriquement parfait, encore faut-il qu’il soit « fabricable » : « On prend la figure mathématique idéale et on la dégrade jusqu’à ce que ce soit accepté par les machines qui vont le fabriquer. » Et voilà comment des mathématiques pures on arrive à l’industrie.
C’est Toulouse Tech Transfer, la société d’accélération du transfert de technologies (SATT) toulousaine, qui a poussé le mathématicien à lancer sa start-up. Elle travaille désormais pour deux équipementiers automobiles avec l’objectif « de faire économiser de 15 à 20% sur le coût d’un moteur » en calculant au plus juste la quantité de matière nécessaire. Moins de matériaux et donc « environ 10% d’efficience énergétique en plus car on réduit les pertes de chaleur. Mais on peut aussi travailler à utiliser moins de terres rares. » Ceci est valable dans un domaine, l’automobile, où le coût est le principal souci.
Des millions de moteurs
Mais Deeper Pulse a commencé en 2018 avec un propulseur de satellite. Là, le souci principal est le poids et la compacité. L’algorithme s’adapte à la contrainte et a permis d’optimiser de 75%. Les possibilités sont infinies : « Un fabricant comme LG construit 90 millions de moteurs de machine à laver par an. Si on leur fait gagner 10% sur chacun… » Et il y a encore les moteurs de l’électroménager, du bricolage… « On commence à peine à imaginer ce qu’on peut faire avec un moteur électrique. Avec notre solution, on peut en repousser les limites. »
Jean Luc Eluard
Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation