L’ordinateur quantique, c’est déjà une réalité. Sauf que ses performances restent très modestes. Welinq a mis au point une mémoire quantique qui permet de doper les processeurs en les faisant dialoguer
Au-delà de l’aspect science-fiction d’un ordinateur capable d’à peu près tout, l’ordinateur quantique est déjà une possibilité. Qui repose sur le principe même de la physique quantique qui est celle de plusieurs états simultanés. En gros, un ordinateur ordinaire repose sur un système binaire fait de 0 et 1 qui se succèdent. Très vite, bien sûr. Mais quand même. Alors qu’avec un ordinateur quantique, le 0 peut aussi être un 1. On peut ainsi intriquer une grande suite de 0 et de 1.
De fait, pour résoudre une sortie de labyrinthe par exemple, le cerveau humain et l’ordinateur vont essayer successivement plusieurs chemins avant de trouver le bon. L’ordinateur quantique, lui, va essayer tous les chemins en même temps.
Relier plutôt que grossir
L’un de ses principaux problèmes pour l’instant, c’est la capacité de ses processeurs. Quelques centaines de qubits (des bits quantiques) alors que pour obtenir des résultats probants et utiles, il en faudrait des dizaines voire des centaines de milliers. Pour Tom Darras, augmenter la capacité des processeurs n’est pas la solution la plus immédiate. Le co-fondateur de Welinq préconise plutôt « d’en prendre plusieurs et de les relier entre eux ce qui créerait un seul ordinateur avec beaucoup de qubits ».
Seul problème : ces petites choses ont du mal à se mettre en contact. Pour que deux processeurs photoniques communiquent, il faut qu’ils se lancent un signal lumineux. Pas vraiment de la lumière d’ailleurs mais « un état quantique de la lumière sous forme de photons ». Mais il faut que les photons envoyés par un processeur rencontrent ceux envoyés par l’autre et on n’est pas capable de prédire le moment exact de l’émission photonique. Résultat : le croisement de photons est exceptionnel et les processeurs ne communiquent pas.
Des atomes piégés stockent la lumière dans son état quantique
On en était là depuis cinq ans jusqu’à ce que les chercheurs du Laboratoire Kastler Brossel (LKB) et du Laboratoire d’Informatique de Sorbonne Université (LIP6) parviennent au record du monde de mémoire quantique en utilisant des atomes neutres refroidis. Tom Darras précise : « pour arrêter la lumière, elle doit rencontrer un milieu matériel. » Ce sont ces atomes piégés « qui stockent la lumière dans son état quantique. Et elle revient à son état lumineux quand on lui demande ». Résultat : les photons se rencontrent à la demande, ce qui permet de mettre en réseau les processeurs dont on a besoin.
Accompagnée par la société d’accélération du transfert de technologies (SATT) Lutech au démarrage, Welinq a commencé à développer l’application de cette technologie qui est au départ « une manip de labo très complexe et pas très robuste » mais l’a reprise pour en faire quelque chose « de transportable et intégré. »
Et on va plus loin : au delà du hardware, la start-up initiée en janvier 2023 fournit aussi les outils software et le développement des algorithmes quantiques nécessaires au client. Parce que pour l’instant, l’ordinateur quantique, ce n’est pas pour regarder Netflix. Si Tom Darras met en avant « un marché de 850 milliards de dollars d’ici 2040 », ce ne sera pas du PC individuel. Les partenaires actuels de Welinq sont « des développeurs d’ordinateurs quantiques, des centres de calcul haute performance et des utilisateurs de calcul quantique comme EDF ».
Jean Luc Eluard
Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation