Menta est un programme d’intelligence artificielle qui permet d’améliorer les performances sportives. En débarrassant les athlètes des pensées négatives qui les entravent. Un coach virtuel pour ne plus se trouver d’excuses

Il n’y a rien de plus énervant que les distorsions cognitives. Chez les autres, bien sûr. Ces petites pensées parasites que l’on se donne pour se justifier, pour poursuivre des comportements négatifs. Comme le fait de penser que ce sont toujours les autres les responsables (« On a perdu à cause de l’arbitre »). Ou pour se sentir moins coupables (« Je suis en retard mais c’est à cause des bouchons »). Si l’on pousse un peu plus loin comme l’a fait Romain Bet pour sa thèse de doctorat en 2021, ces distorsions créent une vision du monde personnelle, basée sur une théorie implicite. Et ce sur tous les sujets possibles.

Les criminels comme les autres

Y compris les plus graves : en interrogeant une quarantaine de criminels lourds dans les prisons lyonnaises, Romain Bet est parvenu à déterminer un millier de distorsions cognitives dont les criminels s’étaient servis pour commettre leur acte et le justifier. Il les a ensuite classé en neuf grandes catégories. Puis il a interrogé des gens ordinaires et a constaté qu’il existait aussi ces distorsions ainsi qu’une dizaine d’autres catégories. Et qu’en déconstruisant ces constructions mentales, on peut sans doute se débarrasser de ce qui nous gêne pour progresser.

Et le sport dans tout ça ? D’une part, Romain Bet est un ancien sportif de haut niveau et « j’ai voulu rapprocher ma vie de chercheur de labo et ma passion pour le sport. » Mais aussi, et de manière plus scientifique, c’est que « les bénéfices sont plus facilement quantifiables avec le sport ». Si la performance s’améliore en débarrassant l’athlète de ses distorsions, c’est que l’on a appuyé sur le bon curseur. Parce qu’à terme, il aimerait que sa technique ne reste pas confinée au sport mais puisse être employée aussi dans la vie quotidienne et notamment dans le monde du travail. Or, une réussite dans le sport validerait ses théories.

Proposer d’autres alternatives

C’est là qu’intervient Pulsalys, la société d’accélération du transfert de technologies (SATT) régionale qui a accompagné le projet. Depuis la théorie, avec deux laboratoires de recherche de l’Université Lyon 2 (EMC) et de l’Université Lyon 1 (L-VIS), jusqu’à la mise en œuvre d’un logiciel d’intelligence artificielle permettant de déconstruire les distorsions cognitives en les mettant face à celui qui les utilise pour se protéger.

« L’objectif est de montrer qu’il y a d’autres façons de penser. » Avec une intelligence artificielle limitée au seul domaine sportif « ce qui permet de réduire les erreurs », Menta se présente comme une appli ludique. Des questions préliminaires permettent de déterminer le champ sémantique de l’utilisateur. Et donc de décrypter sa catégorie de distorsion. Des exercices permettant d’augmenter de niveau proposent ensuite de cibler les pensées parasites et « de proposer d’autres alternatives. »

L’individuel en priorité

Romain Bet et Alexandre Prat ont créé Menta, une application destinée à améliorer les performances des sportifs

Encore en phase de test, Menta devrait être un prototype au printemps 2024 avant d’être proposé largement aux clubs sportifs à la rentrée suivante. En même temps qu’un service de statistiques pour les entraîneurs, pour qu’ils puissent suivre les progrès réalisés. Évidemment, les sports individuels sont plus impactés par ce programme puisque « en sport collectif, il y a des dimensions supplémentaires comme la cohésion ou le leadership » sur lesquels Menta n’a que peu d’effets.

Mais une fois que le sportif a amélioré son physique, son équipement et sa nutrition, ce que tous font, il reste le mental. Et c’est là que ça se joue.

Jean Luc Eluard

Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

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