Attendu avec autant d’impatience que d’espoir par les supporters et ses co-équipiers, le retour d’Antoine Dupont sur la pelouse n’était pas si évident que cela. La fracture maxillo-zygomatique qu’il a subi lors du match contre la Namibie aurait dû l’éloigner pour plusieurs semaines voire plusieurs mois de la compétition avec le XV de France. Le point avec le docteur Matthias Schlund, chirurgien maxillo-facial au CHU de Bordeaux
Quel est l’impact d’une fracture maxillo-zygomatique ?
Matthias Schlund : Cette fracture vient de coups latéraux faciaux qui viennent casser la pommette (voir explication du schéma osseux ci-dessous).
Toutes les fractures sont différentes. Cela peut expliquer des différences dans la prise en charge et le temps de récupération. Il existe des fractures atypiques dans un sens soit positif soit négatif. Il y a un schéma de fractures classiques avec une cassure nette. Ou bien simple où le traitement est facilité, parfois même sans chirurgie.
D’autres fractures sont plus complexes avec plusieurs petits fragments. C’est un élément que tout un chacun a pu expérimenter : une personne met du temps à se remettre d’une fracture de la jambe quand pour une connaissance, c’est plus rapide. Toutes les fractures ne sont pas comparables.
Quelle est la gravité d’une fracture maxillo-zygomatique ?
Matthias Schlund : Le retentissement est variable. Cela peut être esthétique car la pommette va s’enfoncer et on a alors une asymétrie du visage. Comme certaines fractures vont dans l’orbite, il peut y avoir des problématiques de vision double ou de mal position du globe oculaire ou encore des difficultés à ouvrir la bouche.
Comme la pommette ne bouge pas, à l’inverse d’une jambe ou d’un poignet, elle va cicatriser toute seule. Mais si la pommette est déplacée, alors il va falloir la remettre en place (on parle de « réduction ») et installer un moyen de contention. On utilise ici souvent une plaque en titane et des vis pour la maintenir en place.
Pourquoi Antoine Dupont peut-il reprendre le jeu aussi vite ?
Matthias Schlund : Quand on a une fracture où l’on a dû mettre des plaques, on considère que le délai de consolidation est de 6 semaines à deux mois voire trois mois pour des sports de contact.
La fracture de ce patient était peut-être atypique avec un retentissement moindre, ce qui peut expliquer son retour sur le terrain.
Surtout, si Antoine Dupont peut se remettre à la compétition dans un sport de contact c’est qu’il a discuté avec son médecin et que sa fracture le permet. Mais il ne faut pas oublier que le patient est libre. Il y a aussi certainement une appréciation du bénéfice-risque : les risques ne sont peut-être pas si élevés que cela face à l’enjeu. Préfère-t-il prendre un risque ou ne pas jouer la coupe du monde en France…
Si la reprise a été actée, c’est sur une évaluation personnelle de son dossier et aussi par son libre-arbitre.
Propos recueillis par
Alexandre Marsat
« Cette fracture concerne le zygoma qui est l’os que l’on peut palper. Il va être rejoint sur la colonne externe avec l’os du front, donc la partie externe de l’orbite, qui elle-même se rejoint en arrière avec l’arcade. Ensuite, la plus grosse partie de sa jonction se fait avec l’os maxillaire sur le rebord orbitaire inférieur (sous l’œil), le plancher de l’orbite (le cadre osseux de l’œil) et les parois du sinus maxillaire.
On parle de fracture zygomatique simple car c’est le zygoma qui nous intéresse mais il y a souvent une partie du maxillaire qui est fracturée avec car ce sont des os qui sont jointifs. »