Largement prescrits, les médicaments psychotropes ne se suffisent pas à eux-mêmes pour traiter une dépression, des troubles anxieux ou bipolaires. En outre, ils peuvent provoquer des effets indésirables. Le point avec le professeur Nicolas Authier, médecin psychiatre et pharmacologue au CHU de Clermont-Ferrand
Les prescriptions de psychotropes pour les enfants et adolescents ont bondi ces dernières années et concernent des « dizaines de milliers d’enfants », a alerté le lundi 13 mars 2023 le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA). En effet, la consommation de ces médicaments entre 2014 et 2021 (année où la consommation a été particulièrement élevée) a augmenté de + 63 % pour les antidépresseurs, + 78 % pour les psychostimulants, +155% pour les hypnotiques et sédatifs…
Le Haut conseil alerte avec force sur l’urgence de moyens suffisants dédiés aux approches pédopsychiatriques et pluridisciplinaires, et aux offres psychothérapeutiques, éducatives et sociales.
La dépression : première cause de morbidité dans le monde
La dépression affecte 2,5 millions de Français chaque année. Elle est la première cause de morbidité et d’incapacité dans le monde selon l’Organisation mondiale de la santé. Le professeur Nicolas Authier, médecin psychiatre et pharmacologue au CHU de Clermont-Ferrand indique : « Elle se caractérise par au moins cinq symptômes pendant au minimum deux semaines parmi les suivants : la personne est en proie à une tristesse inhabituelle, une perte de plaisir, est incapable d’accomplir les actions de la vie quotidienne (se lever, aller travailler, se faire à manger…). Fatiguée, elle ressent une perte d’énergie, une baisse d’appétit, des troubles du sommeil, des difficultés d’attention et de concentration, une irritabilité, des pensées suicidaires, une perte de l’estime de soi, un ralentissement psychomoteur. Mais aussi la présence de douleurs physiques qui semblent inexplicables… »
Pour traiter une dépression modérée à sévère, les médecins recourent aux antidépresseurs, des médicaments qui empêchent la recapture, dans l’espace synaptique (entre deux neurones), de deux neurotransmetteurs : la sérotonine ou « hormone du bonheur » et la noradrénaline ou « hormone du stress ». Ceux-ci favorisent certains sentiments (gestion des émotions, de la douleur…) ou comportements (sommeil, excitation, vigilance…). Ces médicaments sont aussi indiqués dans le traitement des troubles anxieux : anxiété généralisée, phobie sociale, stress-post-traumatique.
Prise de poids, libido en berne, léthargie voire arrêt respiratoire…
« Ils peuvent induire des effets indésirables, note le psychiatre pharmacologue : troubles digestifs durant les cinq premiers jours, levée d’inhibition des idées suicidaires durant les quatre premières semaines, endormissement, tremblements, vertiges, prise de poids, baisse de la libido, etc. Des signes qui sont aussi liés à la dépression. Le traitement agit à partir de 7-10 jours et fait pleinement effet au bout de 4 semaines. Il dure six mois minimum dans un épisode dépressif voire plus pour un trouble anxieux. »
Les anxiolytiques (tranquillisants) (Lexomil, Xanax et autres Valium) soulagent quant à eux un état transitoire. Le spécialiste précise : « Ils agissent sur un récepteur (GABA) qui va ralentir le fonctionnement des neurones cérébraux et diminue ainsi les ruminations anxieuses. Leur prise ne doit pas excéder 12 semaines pour les anxiolytiques et 4 semaines pour les somnifères au risque d’induire une dépendance avec accoutumance. Il existe même, en cas de surdosage, un risque d’arrêt respiratoire. Certains patients les trouvent miraculeux au début mais attention au piège ! »
Associer une psychothérapie aux médicaments
Rappelons que les psychotropes appartiennent à la liste des substances vénéneuses. Ils sont disponibles uniquement sur prescription médicale. Quoi qu’il en soit, pour la dépression comme pour les troubles anxieux, une psychothérapie doit être associée aux médicaments, par exemple une thérapie comportementale et cognitive (TCC) ou, a minima, une thérapie de soutien. Mais, « lorsque vous êtes pétri d’angoisses ou que vous êtes très déprimé, débuter une psychothérapie est difficile. Les antidépresseurs peuvent alors vous aider à y accéder », conclut le professeur Nicolas Authier.
Florence Heimburger
Avec le soutien du Ministère de la Culture