Faire pipi quand on se douche paraît peu ragoûtant, mais est très pratiqué, même par les femmes. Si cette habitude permet d’économiser de l’eau, elle n’est pas recommandable. Explications de deux expertes
Avouez ! A vous aussi, il vous est déjà arrivé de vous soulager sous la douche ?! Qu’on le fasse par commodité ou pour préserver la planète en économisant les 9 litres d’eau d’une chasse d’eau (potable), cela n’est pas une bonne idée, en particulier pour les femmes. « L’anatomie féminine n’est pas faite pour uriner debout. Le plancher pelvien ne se détend pas correctement et on ne vide pas la vessie. De plus, cela augmenterait le risque d’infections urinaires. La position accroupie est la plus adaptée », alerte la kinésithérapeute Sabrina Fajau, alias Sab Santé, auteure d’In Périnée We Trust (éd. First).
Les hommes aussi devraient uriner assis !
Le docteur Bernadette de Gasquet, médecin généraliste spécialiste du périnée et auteure de Périnée, arrêtons le massacre ! (éd. Marabout) nuance : « Non, cela ne provoque pas d’infections urinaires. Uriner de temps en temps debout ne crée pas de problème. Mais pour mieux vider la vessie, se pencher en avant ou s’accroupir dans la douche est plus efficace. La morphologie masculine est, elle, adaptée à la miction debout, mais les hommes auraient aussi intérêt à uriner assis ! »
En effet, dans une étude parue dans la revue Plos One en 2014, des chercheurs du Leiden University Medical Center aux Pays-Bas ont montré que la position du corps pendant la miction aurait un impact sur le débit urinaire, le temps de miction et le volume résiduel. Ces scientifiques expliquent qu’uriner assis est bénéfique, notamment pour les hommes souffrant de problèmes de prostate. Cette position leur permet de faire pipi avec plus de force, les muscles du bassin étant plus détendus…
Gare au réflexe de Pavlov !
Par ailleurs, « le fait d’entendre l’eau couler stimule la miction. En urinant sous la douche, la personne répond à une envie d’uriner créée par le bruit de l’eau. Comme le chien de Pavlov tenté par la nourriture : c’est un réflexe conditionné. Mais si la personne n’arrive pas à se retenir, c’est potentiellement pathologique. Cela peut signifier qu’elle a un problème de sphincter, de périnée, une incontinence d’urgence. Un problème plutôt féminin » , explique le docteur Bernadette de Gasquet.
Près de trois millions de Français de plus de 65 ans ont des problèmes de fuites urinaires selon l’Assurance maladie. Un trouble qui touche aussi les femmes jeunes et les hommes. Bien souvent, un périnée trop lâche est en cause.
« Cette zone du corps qui ferme la cavité abdominale par le bas est constituée de plusieurs muscles et tissus (fascias) : les sphincters de l’urètre et de l’anus, qui retiennent les selles et l’urine ; les muscles bulbospongieux et bulbocaverneux, du clitoris et de l’érection, qui permettent entre autres une bonne fonction sexuelle ; le muscle releveur de l’anus, ou « plancher pelvien », le plus gros du périnée », précise Sabrina Fajo.
Vous avez des fuites ? Consultez !
Une grossesse ou un accouchement difficile, une constipation, une chute hormonale, un cancer de la prostate ou de la vessie, une intervention chirurgicale à l’abdomen peuvent fragiliser le périnée. S’il flanche, différents problèmes peuvent survenir chez les femmes et les hommes : des fuites urinaires à l’effort ou par impériosité (hyperactivité de la vessie), un prolapsus (ou descente d’organes), des troubles sexuels : érectiles et/ou de l’éjaculation chez l’homme, du plaisir, des douleurs et/ou un vaginisme chez la femme.
Une rééducation périnéale doit être mise en place chez un kinésithérapeute ou une sage-femme spécialisée.
Quoi qu’il en soit, « mieux vaut éviter de créer l’automatisme du pipi sous la douche », conclut le docteur Bernadette de Gasquet.
Florence Heimburger
Avec le soutien du ministère de la Culture