Environ 10 % de la population française est touchée par un trouble des conduites alimentaires (TCA). La crise sanitaire a exacerbé la situation. Face à ces pathologies récidivantes et au manque de structures de soins adaptés, le CHU de Bordeaux a créé un service d’hospitalisation pour les patients adultes au sein du pôle inter-établissement d’addictologie du CHU et du centre hospitalier Charles Perrens. Une structure inédite en France qui a ouvert en avril dernier à Pessac. Explications du docteur Xavier Galvez, psychiatre addictologue et chef de la filière TCA adultes de ce pôle

Anorexie mentale, boulimie, hyperphagie boulimique… En France, près d’un million de personnes souffrent d’un trouble du comportement alimentaire ou « TCA », selon la littérature internationale. Des troubles exacerbés par la pandémie de la Covid-19 qui a provoqué anxiété, isolement social, retour dans un cadre familial parfois conflictuel ou absence de cadre, fermeture de structures de soins, etc. Ainsi, en 2020, la ligne téléphonique Anorexie Boulimie Info écoute a vu ses appels croître de 30 %, selon Le Monde.

« En Nouvelle-Aquitaine, nous avons enregistré une augmentation de 40 % des demandes d’hospitalisation », indique le Dr Xavier Galvez, psychiatre addictologue, chef de la filière TCA adultes au sein du pôle inter-établissement d’addictologie.

Une structure pluridisciplinaire de soins adaptés aux TCA

Jusqu’à présent, Bordeaux disposait uniquement du centre Jean Abadie du CHU, prenant en charge exclusivement les mineurs ayant des TCA. Les patients majeurs devaient se rendre à Limoges ou Bayonne pour se faire traiter. Cela représente 12 lits au total pour la grande région de Nouvelle-Aquitaine, soit cinq fois moins qu’en Occitanie qui a une population et des besoins comparables, indique le CHU de Bordeaux.

Face à des pathologies récidivantes et un manque de dispositifs de soins dédiés aux TCA, le CHU de Bordeaux, en lien avec les pouvoirs publics et les familles, a souhaité créer une structure pluridisciplinaire de soins adaptés.

Implanté sur le site Haut-Lévêque du CHU de Bordeaux, à Pessac, ce nouveau centre ayant ouvert début avril comporte 5 places d’hôpital de jour et, à partir du 12 septembre, 15 lits d’hospitalisation complète.

Réservée aux cas adultes les plus complexes

« Il s’agit d’une structure de dernier recours, réservée aux cas les plus sévères de patients âgés de plus de 18 ans, précise le Dr Xavier Galvez. Elle est unique en son genre, inédite en France, car elle offre des soins mixtes, à la fois psychiatriques et nutritionnels, et regroupe une équipe d’une trentaine de personnes de toutes les compétences nécessaires : psychiatre addictologue, médecin nutritionniste, diététicien, psychologue, psychomotricien, infirmiers formés à la psychiatrie et à la nutrition… »

La présence d’une réanimation sur le site Haut-Lévêque permet de répondre aux situations les plus critiques. « L’anorexie présente un fort taux de mortalité : 20 % après 10 ans de maladie. Des décès liés, dans la majorité des cas, à une dénutrition ou à un suicide, rappelle le psychiatre. La boulimie, qui implique des vomissements, engendre des désordres hydro-électrolytiques, en particulier une perte de potassium, qui augmente de manière significative le risque d’arrêt cardiaque. Quant à l’hyperphagie, elle conduit souvent à une obésité, qui multiplie le risque de développer des maladies métaboliques ».

Cette nouvelle structure de soins dispose de tout le matériel et du personnel nécessaires pour réaliser de nombreux examens utiles : échographie, ostéodensitométrie, évaluation de l’alimentation de chaque patient…

Repas thérapeutiques et groupes de paroles aussi pour les proches

Des séances de cuisine sont dispensées pour travailler sur les repas thérapeutiques, réaliser les changements alimentaires nécessaires et surveiller les cas les plus sévères… Des soins de groupe sont également proposés pour vaincre l’isolement social, la honte et la culpabilité dont sont victimes les malades. D’autres groupes de paroles sont offerts aux proches, en particulier aux parents, également impactés, afin qu’ils puissent parler pour soulager leur souffrance.

Une structure indispensable mais qui pourrait rapidement être saturée par la demande croissante. Depuis 2005, la Fédération française Anorexie Boulimie (FFAB), association de professionnels de santé, et la Fédération nationale des associations liées aux TCA (FNA-TCA), association d’usagers et de familles, agissent conjointement pour le développement d’une filière de soins spécialisés de qualité, dimensionnée aux besoins de la population. Elles alertent constamment sur la situation très préoccupante en France (voir leur tribune publiée le 2 juin 2022 dans Le Monde), plus encore depuis l’aggravation causée par la crise sanitaire.

Florence Heimburger

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