Le second volet du sixième rapport d’évaluation du Giec a été dévoilé lundi 28 février. Traitant du thème « impacts, adaptation et vulnérabilité », il confirme les prédictions des précédents travaux du groupe d’experts sur le climat et donne des pistes d’action
« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ». Cette phrase extraite du livre d’Albert Camus Les animaux malades de la peste pourrait résumer la situation dans laquelle se trouve humains et écosystèmes. Car « les éléments scientifiques sont sans équivoque : le changement climatique menace le bien-être de l’humanité et la santé de la planète », a déclaré à la presse Hans-Otto Pörtner, coprésident du Groupe de travail II du GIEC qui vient de rendre sa contribution.
Leur rapport, intitulé « Changement climatique 2022 : impacts, adaptation et vulnérabilité » brosse en effet un état des lieux alarmant. L’érosion des littoraux, les pertes de rendement des cultures, les atteintes à la santé humaine liés à l’exposition aux vagues de chaleurs ou à la flambée des maladies vectorielles font partie des 126 risques identifiés.
Quatre risques principaux en Europe :
- Augmentation de la mortalité et de la morbidité ;
- Pertes des rendements agricoles ;
- Pénuries d’eau ;
- Inondations et élévation du niveau des mers.
La situation s’aggrave
Mais plus que le nombre des risques, c’est la simultanéité de la survenue d’évènements extrêmes et l’amplification du phénomène qui inquiète les experts, parmi lesquels Wolfgang Cramer, directeur de recherche à l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale* : « Depuis le précédent rapport du GIEC publié en 2014, la plupart des tendances et les projections des précédents rapports se sont confirmées, ou ont été en dessous de la réalité : la situation s’est significativement aggravée »
S’agissant de l’élévation du niveau des mers, qui concerne notamment la France, « la hausse du niveau de la Méditerranée s’accélère et provoque des changements du littoral plus violents que prévu. La vulnérabilité du littoral méditerranéen est particulièrement importante car, jusqu’ici, la mer ne montrait que de faibles marées et rarement de grosses tempêtes touchant les côtes. Le niveau pourrait monter d’un mètre d’ici à la fin du siècle. »
La technologie ne nous sauvera pas
Dans ces conditions, « penser que seule la technologie nous sauvera est illusoire. Il ne s’agit pas d’apporter une solution technique ici ou là » rappelle Wolfgang Cramer. A Malé (Maldives) comme aux Saintes-Maries-de-la-Mer (France), les digues montrent notamment leurs limites. « Permettre au littoral de jouer son rôle de zone dynamique protège mieux l’intérieur des terres qu’une digue ».
Aussi, les experts du GIEC mettent-ils en avant les « solutions fondées sur la nature« , prenant en compte le fonctionnement des milieux pour s’adapter aux changements climatiques. A défi mondial, réponses locales. Même les villes peuvent apporter des solutions. Tout en insistant sur la nécessité d’agir à l’échelle mondiale pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. « Si l’on ne fait pas ça, les solutions basées sur la nature et les efforts d’adaptation ne suffiront pas », nuance le chercheur.
Il y urgence à agir
Le rapport indique clairement qu’un développement résilient face au changement climatique est déjà un défi au niveau actuel de réchauffement. Il sera plus limité si le réchauffement planétaire excède 1,5 °C. Dans certaines régions, il sera impossible si cette augmentation dépasse 2 °C. Ce constat crucial souligne l’urgence d’agir en faveur du climat, en s’attachant à l’équité et à la justice. Un financement adéquat, le transfert de technologies, la volonté politique et la concertation rendent plus efficaces l’adaptation au changement climatique et la réduction des émissions. Mais il faut faire vite, prévient Hans-Otto Pörtner. « Tout retard dans l’action mondiale concertée nous ferait perdre un temps précieux et limité pour instaurer un avenir viable».
Alexandrine Civard-Racinais
*IMBE, unité CNRS/Aix-Marseille Université/Avignon Université/IRD.
Un état de la science en 3 volets
Le GIEC est composé de trois groupes, traitant chacun d’un volet du rapport d’évaluation du climat.
- Le Premier groupe, dont le rapport a été publié en août 2021, s’intéresse surtout à la physique du climat ;
- Le Second groupe, à l’origine du rapport publié en février 2022, intègre des questions d’écologie, et de vulnérabilité humaine face aux risques et traite des possibilités d’adaptation.
- Le Troisième groupe recense les moyens d’atténuer le réchauffement climatique et de ses conséquences. Son rapport est attendu en avril 2022 avant la publication d’une synthèse en septembre.