Des travaux de chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Bordeaux ont passé au crible 70 critères prédictifs d’un risque de comportements suicidaires chez les étudiants. Grâce à l’intelligence artificielle et la mise au point d’un algorithme, ils ont identifié 4 facteurs majeurs de risque de suicide chez les étudiants
Le suicide constitue la deuxième cause de mortalité chez les 15-29 ans en France et dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé, après les accidents de la route. La crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 semble avoir aggravé ce phénomène : selon une étude menée au sein de l’université de Lille, et révélée par la Voix du Nord, la moitié des étudiants disent souffrir d’anxiété accrue, voire massive, et 30 à 40 % parlent de détresse.
Comment éviter que les individus à risque suicidaire ne passent à l’acte ? Une équipe de chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Bordeaux, en collaboration avec les universités de Montréal et McGill au Québec, ont identifié, grâce à l’intelligence artificielle un ensemble restreint d’indicateurs de santé mentale symptomatiques de comportements suicidaires des étudiants, un processus multifactoriel. Leurs résultats viennent d’être publiés dans la revue Scientific Reports.
17 % des étudiants présentent des comportements suicidaires
L’étude a été menée à partir de la cohorte « i-Share » qui porte sur la santé des étudiants, initiée par Christophe Tzourio, professeur d’épidémiologie à l’Université de Bordeaux et directeur du centre de recherche Bordeaux Population Health. Parmi les 20 000 étudiants d’i-Share d’une moyenne d’âge de 21 ans suivis entre 2013 et 2019, 5066 étudiants ont répondu à deux questionnaires à un an d’intervalle. Il en ressort que 17 % des participants ont présenté des comportements suicidaires au cours de l’année écoulée.
Les sondés ont répondu anonymement à 130 questions : âge, sexe, filières, activités sportives, logement, consommations de drogue et d’alcool, antécédents médicaux et familiaux, état psychique, enfance…
4 facteurs prédictifs identifiés grâce à l’intelligence artificielle
« Grâce à une méthode d’apprentissage automatique (ou machine learning method en anglais), nous avons développé un algorithme qui identifie les 4 « meilleurs » facteurs prédictifs parmi les 70 potentiels recueillis dans le questionnaire : pensées suicidaires, anxiété, perte de l’estime de soi, symptômes de dépression. À eux quatre, ils permettent de détecter environ 80 % des comportements suicidaires.
Vers une appli pour dépister les étudiants en détresse ?
Ainsi, des échelles psychologiques validées et couramment utilisées qui mesurent l’estime de soi, l’anxiété et la dépression identifieraient, de façon fiable, les étudiants à risque.
« Ces travaux demandent confirmation mais ils ouvrent la possibilité de dépistage à grande échelle via des questionnaires en ligne, anonymes, courts, simples et peu intrusifs. Les étudiants à risque seraient alors orientés vers une prise en charge adéquate », souligne Mélissa Macalli, doctorante en épidémiologie à l’Université de Bordeaux et co-auteur de l’étude avec la biostatisticienne Marie Navarro.
Les scientifiques travaillent sur une autre cohorte, « Confins », avec le projet de mieux comprendre l’impact des changements induits par l’épidémie de Covid-19 sur le bien-être et la santé mentale des étudiants. Et souhaitent développer, avec les participants, une application mobile qui informerait ces derniers sur leur niveau de stress, anxiété, dépressivité, sans tabou ni stigmatisation.
Florence Heimburger