Près d’un Français sur cinq a dû se mettre au travail à distance. Si les Français y sont majoritairement favorables, ils ont aussi découvert que la situation pouvait avoir des impacts négatifs sur la santé. Lesquels et comment les prévenir ? Le point avec, Jacques Leïchlé, expert de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS)
Seulement 14 % des salariés pratiquaient régulièrement le télétravail avant la pandémie. Il a connu un essor sans précédent en 2020 pour atteindre 41 % des salariés en mai 2020 lors du premier confinement. En dépit d’une obligation de télétravailler lors des confinements, les Français continuent de bien le vivre : 86 % des Français salariés sont même prêts à partir sur un télétravail institutionnalisé de 2 jours par semaine, selon le baromètre annuel de la mutuelle Malakoff Humanis.
Pourtant, la situation a aussi des impacts négatifs sur la santé : ainsi, à la sortie du premier confinement, 30 % des télétravailleurs estimaient que leur santé psychologique s’était dégradée. Et 25 % déclaraient que leur santé physique s’était également détériorée, selon un sondage réalisé par le CSA pour la mutuelle précitée en mai 2020. Il faut dire que nombre d’employés ont, en plus, dû télétravailler avec leurs enfants à la maison…
Des risques physiques et psychiques
« D’abord, il faut rappeler que le télétravail présente des avantages : il permet de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle, réduit les temps de trajet domicile-lieu de travail, la fatigue, le stress…», souligne Jacques Leïchlé, expert en organisation du travail à l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS).
« Quant aux risques, ils sont exacerbés par la période de télétravail à outrance que l’on vit : un aménagement non adapté du poste informatique : ordinateur portable et non PC de bureau, table trop basse, siège non ergonomique… Tout cela peut engendrer des troubles musculo-squelettiques. La sédentarité est exacerbée. Le matériel informatique ne fonctionne pas toujours bien notamment quand on a l’ADSL plutôt que la fibre optique et qu’on doit partager la bande passante avec le restant de la famille… Cette dépendance aux ressources techniques peut retarder le travail et renforcer l’isolement. »
Et d’ajouter : « Il existe aussi un risque de dérive du temps de travail, de débordement sur les soirées et de submersion ; la baisse d’activité physique, d’exposition à la lumière du jour et de surexposition à la lumière bleue des écrans peut perturber l’endormissement et le sommeil… »
Un espace de travail adapté et le droit à la déconnexion
Jacques Leïchlé soumet plusieurs recommandations : « Une formation préalable au télétravail serait intéressante pour apprendre à organiser son temps de travail, à utiliser les outils numériques, les logiciels de visioconférence et à bien agencer son espace de travail. L’idéal serait un grand écran, à la hauteur de yeux, et le clavier dans le prolongement des avant-bras horizontaux. Les managers doivent être formés à l’accompagnement des salariés, maintenir le lien et savoir détecter les « signaux faibles » de détresse. Par ailleurs, l’entreprise doit dimensionner le service informatique pour assister les télétravailleurs. Enfin, le salarié a droit à la déconnexion, défini par les entreprises. » Le respect de ce droit est d’autant plus primordial en cette période où on éprouve des difficultés à scinder vie professionnelle et vie personnelle.
Florence Heimburger