Les fake news dans la presse sont aussi anciennes que… la presse elle-même, rappelle Marion Brétéché, maîtresse de conférences en Histoire moderne à l’Université d’Orléans, membre du comité de rédaction de la revue Le Temps des médias
« Il faut d’abord s’entendre que ce que l’on nomme fake news, à savoir une information volontairement fausse et diffusée avec un but précis, pour provoquer une réaction qu’on a cherché à anticiper. C’est la différence avec une fausse information, qui n’est pas volontairement fausse.
C’est donc frauduleux et ça l’a toujours été ; cela relève du mensonge et c’était déjà condamné, par exemple, par l’Église, qui considérait cela comme un péché au Moyen Âge. Ce n’est pas la presse qui a inventé la fake news, cela existe depuis que l’humain communique. La presse, imprimée en particulier, n’a fait qu’accentuer le phénomène, avant que le numérique ne l’accélère.
Sous l’Ancien Régime, il existait déjà des termes qui désignaient de fausses informations. On parlait de “faux bruit”, ou “de rumeur”. Et puis, pour parler de fake news, on évoquait des “faussetés”, il y avait bel et bien cette notion de mensonge délibéré.
Une presse manuscrite apparaît au début du XVIe, on parle alors de lettres de nouvelles. Elles sont réalisées dans le cadre d’ateliers de copistes et diffusées sur abonnement. Au XVIIe, naissent les gazettes imprimées, qui ne vont d’ailleurs pas faire disparaitre les lettres de nouvelles.
Du fact-checking dans les gazettes
Dans les unes comme dans les autres, on trouve des fake news, très souvent en lien avec des affaires politiques : plus elles sont secrètes, plus on a de fake news ou de fausses informations s’y rapportant. La gangrène de Louis XIV, par exemple, était largement cachée, ce qui alimentait les rumeurs et a conduit plusieurs fois à l’annonce de sa mort dans certains médias. Les crises, aussi, sont particulièrement propices : vacance du pouvoir, guerre, on voit se développer une pratique du pronostic. Les journalistes ne savent pas, alors ils tentent de deviner en ne se fondant que sur des on-dit ou sur des références historiques, sans vérifier.
Tout cela crée un scepticisme à l’égard de la presse, qui conduit dès l’époque des gazettes à certaines démarches pour limiter l’essor des fausses informations ou des fake news ; et restaurer la confiance. On voit ainsi apparaître ce qu’on appelle aujourd’hui le fact checking, donc la vérification d’une info donnée pour acquise. Naissent aussi des pratiques d’accréditation, où les journalistes vont fournir au lecteur des clefs pour accréditer ou non une thèse : comment ils ont recueilli, l’info, qui ils ont rencontré, à quelle date, etc. »
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Propos recueillis par
Jean Berthelot de La Glétais