Le fact checking, ou vérification des faits, permet de lutter contre les fake news. Mais comment s’y prennent celles et ceux qui s’y consacrent ? Réponse de William Audureau, journaliste pour le service de fact checking du Monde, les Décodeurs.
« Quand on fait du fact checking, on vise donc à vérifier si une rumeur est vraie. Selon le type de rumeur dont il s’agit, cela peut prendre plus ou moins de temps. On peut parfois rapidement remonter à la source, mais dans d’autres cas on aura besoin de faire appel à des experts.
Par exemple, fin novembre, dans la complosphère, une vidéo a circulé qui montrait Anthony Fauci. Celui qui est en quelque sorte le visage scientifique de la lutte contre la pandémie aux États-Unis répondait “non” à cette question posée par Lamar Alexander, sénateur républicain du Tennessee : “devrions-nous tous porter des masques ?” Nous avons vérifié, et effectivement le docteur Fauci disait bien cela. Sauf qu’il le disait en mars, à une époque où il n’y avait aucun consensus scientifique sur le sujet. La vidéo est donc trompeuse car elle est totalement hors contexte. Cela, c’est une vérification que tout le monde peut faire.
Et puis, il y a des rumeurs plus difficiles à vérifier, comme lorsque le professeur Montagnier évoque la fabrication du virus du coronavirus en laboratoire. Là, il nous a fallu contacter des experts pour comprendre qu’il y avait une forme de consensus et en arriver à la conclusion que cette thèse était hautement improbable.
« Une stratégie d’effacement »
Ce fact checking s’opère dans un contexte de défiance plus élevée que jamais vis-à-vis de la parole officielle, institutionnelle ou médiatique. Dans cette période de crise, le grand public est demandeur de connaissances car il est dans l’incertitude. Certains ont intérêt, pour des raisons politiques, ou économiques, à capter cette incertitude.
Et donc on voit, autour de nous, des personnes que l’on n’imaginerait pas verser dans le complotisme s’ouvrir à des interrogations nouvelles et se sentir désemparées face à des informations complexes à comprendre. Notre meilleure réponse est de faire notre travail dans le respect de la déontologie. Malgré tout, une majorité de lecteurs sont dans la confiance, tout en sachant qu’il y a des biais, que les médias peuvent être d’un bord politique et même commettre des erreurs.
Mais certains réseaux sociaux ont cessé d’être des aires d’échange et de discussion démocratique, ce sont des arènes de guerre culturelle. Ceux qui réalisent du fact checking, comme d’autres journalistes ou certains chercheurs, y sont attaqués souvent très durement et personnellement et se mettent parfois en retrait de ces réseaux. Il ne faut pas se leurrer : cela correspond à une stratégie d’effacement de la part de ceux qui les attaquent. »
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Propos recueillis par
Jean Berthelot de La Glétais