Emeric Henry, « Associate Professor » au département économique de Sciences Po, chercheur au Centre for Economic Policy Research (CEPR), considère que les réseaux sociaux pourraient assez facilement réduire la propagation d’informations erronées.
« Il y a plusieurs éléments qui expliquent pourquoi les réseaux sociaux peuvent nous faire croire, alors même qu’on est de bonne foi, à des thèses erronées. Le premier, c’est le phénomène de bulle informationnelle : une information ne circule que dans un circuit fermé, et n’est donc pas confrontée à une autre information qui pourrait la démentir.
Le deuxième élément, c’est la question de la correction de l’effet laissé par une fake news. Beaucoup d’études montrent que la vérification de l’information, ou fact-checking, très présent sur les réseaux sociaux, va corriger des connaissances factuelles mais pas les impressions laissées par une fake news sur une thématique globale. Concrètement, prouver qu’une personnalité a donné des chiffres erronés sur l’immigration, par exemple, n’aura pas d’effet sur les croyances de ses partisans. S’ils jugeaient l’immigration trop importante, cela n’aura pas d’effet sur cette conviction.
« Le fact-checking décourage le partage d’une information fausse »
Le troisième élément concerne la facilité que chacun a à transmettre une fake news, même sans forcément la croire à adhérer à l’opinion qu’elle véhicule. Là aussi, des études prouvent que beaucoup de personnes ne partagent pas en fonction de la véracité, mais d’autres facteurs : si c’est amusant, bien écrit, etc.
Pourtant, une autre étude que j’ai moi-même menée montre que le fact-checking décourage le partage d’une information fausse. En d’autres termes, on va moins transmettre une information si l’on est certain qu’elle est fausse. Cela ouvre la porte à des interventions comportementales qui sont simples, comme le simple fait de rappeler de faire attention avant de partager, par exemple.
Pousser à penser à la véracité d’une information a un impact énorme sur sa transmission. Il y a aujourd’hui une absence totale de cout cognitif au partage. Le simple fait d’avoir une page qui demande de confirmer un partage fait décroitre ce dernier de 75%. Donc, aujourd’hui, certes, les utilisateurs des réseaux sociaux sont souvent induits en erreur. Mais sont-ils incités à raisonner, à ne pas “tomber dans le panneau” ? Pas vraiment, ou pas assez en tout cas ».
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Propos recueillis par
Jean Berthelot de La Glétais
Avec le soutien du ministère de la Culture
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