Des chercheurs canadiens viennent d’identifier et de caractériser un nouvel antibiotique, la lariocidine. Un trésor enfoui dans le sol qui met en lumière l’importance d’explorer ce monde encore méconnu
Des chercheurs du Département de biochimie et de sciences biomédicales de l’Université McMaster (Ontario, Canada) ont découvert une nouvelle classe d’antibiotiques… grâce à un échantillon de sol issu du jardin de l’un de leurs collaborateurs. Les résultats de leurs travaux, publiés le 26 mars 2025 dans la prestigieuse revue Nature, font souffler un vent d’espoir dans la communauté médicale mondiale. Car il y a urgence à trouver des nouveaux médicaments efficaces pour traiter les infections bactériennes.
L’antibiorésistance, un fléau mondial
Sur la seule année 2021, 4,7 millions de personnes sont mortes à cause d’infections résistantes aux antibiotiques actuellement prescrits, et la situation ne fait qu’empirer. Selon une récente étude de modélisation, le nombre de décès liés à l’antibiorésistance pourrait concerner plus de 39 millions de personnes dans le monde au cours des 25 prochaines années. Au point que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) considère que « la résistance aux antibiotiques constitue aujourd’hui l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale », parlant même de « menace existentielle » pour l’humanité.
« Nos anciens médicaments deviennent de moins en moins efficaces à mesure que les bactéries deviennent plus résistantes », souligne le professeur Gerry Wright, responsable des travaux qui ont abouti à la découverte de la lariocidine, relatée sur le site de l’université McMaster.
Une nouvelle molécule prometteuse
Cette nouvelle molécule est produite par une bactérie appartenant au type Paenibacillus extraite de l’échantillon de sol prélevé par les chercheurs, puis cultivée en laboratoire sur un temps long. Très prometteuse, elle s’est révélée capable d’inhiber la capacité d’autres bactéries à se développer et à survivre. « Il s’agit d’une nouvelle molécule avec un nouveau mode d’action », s’enthousiasme Gerry Wright.
Active contre des bactéries que les médicaments actuels n’arrivent plus à éradiquer, la lariocidine présente aussi de nombreux avantages. Elle n’est pas toxique pour les cellules humaines et ne présente pas de résistance aux antibiotiques existants.

Éloge du sol et des bactéries du sol
Pour le microbiologiste français Marc-André Selosse, l’histoire de cette découverte est symptomatique d’une méconnaissance du sol et de ses habitants. Les microbes du sol, dont font partie les bactéries, peuvent être nos alliés. Ils représentent de véritables « réservoirs de molécules curatives. Et pas seulement antibiotiques », s’enthousiasme ce défenseur des sols dans un entretien à retrouver sur le site du Muséum. Un monde encore peu connu, voire méprisé… à tort. « Mauvaise réputation, invisibilité : peu d’efforts de recherche, et au bilan tant d’opportunités manquées alors qu’ils peuvent nous être très utiles… »
De l’autre côté de l’Atlantique, le professeur Wright et son équipe en sont convaincus. La découverte de la lariocidine constitue « un grand pas », même si plusieurs années supplémentaires seront nécessaires pour développer un médicament à partir de cette molécule naturelle.
Alexandrine Civard-Racinais
A savoir :
- Les antibiotiques sont des médicaments qui servent à soigner les infections dues à des bactéries.
- Les bactéries peuvent devenir insensibles à ces drogues : on parle alors de résistance aux antibiotiques et de bactéries résistantes. (Source : Pasteur)
A lire :
• L’origine du monde. Une histoire naturelle du sol à l’intention de ceux qui le piétinent, par Marc-André Selosse (Actes Sud, 2021)
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