Deux approches innovantes, une thérapie ciblée et un vaccin personnalisé à base d’ARN messager ont montré des résultats encourageants lors d’essais cliniques préliminaires. Cela ouvre la voie à des traitements plus efficaces contre cette maladie au pronostic souvent fatal. Explications du professeur Pascal Hammel, chef du service d’oncologie digestive et médicale de l’hôpital Paul-Brousse (AP-HP), à Villejuif
Chaque année, 16 000 nouvelles personnes sont touchées par un cancer du pancréas, dont l’incidence progresse rapidement dans de nombreux pays. En France, « elle a doublé entre 2007 et 2024 », s’inquiétait en septembre dernier le professeur Jean-Frédéric Blanc, oncologue digestif à l’Hôpital Haut-Lévêque à Pessac. Cette tumeur pourrait même devenir, d’ici 2030, la deuxième cause de mortalité par cancer après celui des poumons, en Europe et aux États-Unis. En cause : le surpoids et l’obésité, le tabagisme, la malbouffe, le diabète et sans doute certains pesticides…
Autre ombre au tableau : le taux de survie à cinq ans n’excède pas 11 % en France, selon une étude publiée en 2020 par Santé publique France et l’Institut national du cancer. Car il est souvent détecté tardivement car « silencieux » et capable de s’adapter et résister aux remèdes…
Face à ces sombres constats, deux approches thérapeutiques récentes offrent un nouvel espoir aux médecins et aux patients.
Un inhibiteur du gène KRAS muté aux résultats prometteurs
La première avancée, décrite dans le journal Le Monde concerne une thérapie ciblée visant le gène KRAS, muté dans 95 % des cancers du pancréas. Baptisé le Daraxonrasib (ou RMC-6236), le traitement, développé par la société américaine Revolution Medicines, est un inhibiteur de KRAS et administré par voie orale. Lors d’un essai de phase 1/1b mené chez 127 patients atteints d’un adénocarcinome pancréatique métastatique, porteurs d’une mutation du gène KRAS et dont la tumeur résistait aux traitements standards (chimiothérapie…), le Daraxonrasib a montré des résultats prometteurs.
Six mois après le début du traitement, 97 % des patients étaient toujours en vie. Et 27 % ont présenté une réponse partielle ou complète au traitement. En outre, celui-ci s’avère a priori moins toxique que les traitements standards. Un essai international de phase 3 est en cours pour évaluer ce traitement chez 460 patients ayant déjà reçu un premier type de chimiothérapie.
Quand espérer une commercialisation ?
« En France, les premiers patients commencent à être recrutés », précise Pascal Hammel, chef du service d’oncologie digestive et médicale de l’hôpital Paul-Brousse (AP-HP), à Villejuif, et investigateur principal de cet essai pour la France. « À la fin de l’année, nous devrions avoir fini l’essai, et obtenir les premiers résultats courant 2026. Si on démontre que ce traitement est plus puissant que la chimiothérapie et moins toxique, la Food and drug administration (FDA), agence chargée aux États-Unis de la sécurité sanitaire des aliments et des médicaments, pourrait lancer une procédure d’autorisation accélérée compte tenu de la gravité de la maladie, indique l’oncologue. C’est un véritable espoir pour les patients. »
Un vaccin personnalisé à base d’ARN messager
Autre espoir de traitement : un vaccin thérapeutique à base d’ARN messager. Il s’agit plus précisément d’une approche combinant chirurgie, immunothérapie et vaccin personnalisé. Elle a été développée au Memorial Sloan Kettering Cancer Center, à New York.
Les chercheurs ont mené une étude de phase 1 sur trente-quatre patients atteints d’une tumeur pancréatique opérable. Après la chirurgie, des échantillons tumoraux ont été analysés pour identifier les protéines (« néoantigènes ») spécifiques à chaque patient.
Des vaccins personnalisés ciblant jusqu’à vingt néonatigènes par patient ont ensuite été conçus. Puis, les malades ont reçu une dose d’immunothérapie (le médicament atezolizumab) afin de renforcer leur réponse immunitaire antitumorale, suivie du vaccin personnalisé et d’une chimiothérapie classique.
Résultats : sur seize patients analysables, huit ont présenté une forte activation de leurs lymphocytes T cytotoxiques (CD8+), des cellules immunitaires dirigées, ici, contre les néoantigènes du vaccin. Trois ans plus tard, six de ces huit patients étaient toujours en rémission (absence de récidive de la maladie), comme l’ont décrit en février les chercheurs dans la prestigieuse revue scientifique Nature. Et les patients semblaient bénéficier d’une immunité anti-tumorale durable.
« Ces avancées marquent un tournant dans la lutte contre le cancer du pancréas, se réjouit le professeur Hammel. Bien que préliminaires, elles pourraient ouvrir la voie à des traitements à la fois plus efficaces et moins nocifs, offrant un nouvel espoir aux patients confrontés à cette maladie redoutable. »
Florence Heimburger