La France, longtemps pionnière en dépistage néonatal, a pris du retard sur ses voisins européens. Elle s’apprête cependant à y intégrer trois nouvelles maladies rares, grâce au séquençage génomique, qui permet un traitement plus précoce. Le point avec le professeur Frédéric Huet, chef du pôle pédiatrie au CHU de Dijon

La France a été l’un des premiers pays dans le monde à instaurer le dépistage néonatal en 1972. Ce dépistage, réalisé gratuitement à 48 heures de vie, consiste à prélever quelques gouttes de sang en piquant le talon du bébé puis à réaliser des analyses biochimiques. Celles-ci permettent de détecter des maladies rares et graves comme la mucoviscidose ou la drépanocytose. Cette démarche vise à prévenir les manifestations cliniques des maladies dépistées et à limiter les complications graves. Depuis sa mise en place, plus de 36 500 enfants ont été dépistés positifs, selon le Sénat.

La France, pionnière en retard mais des améliorations attendues

« Mais la France accuse désormais un retard par rapport à d’autres pays européens, qui dépistent plus de maladies. L’Italie, l’Autriche et la Pologne recherchent respectivement 48, 31 et 29 maladies rares, contre seulement 13 pour la France, la plaçant au 15e rang en Europe », déplore le professeur Frédéric Huet, chef du pôle pédiatrie au CHU de Dijon et président de la Société française de dépistage néonatal.

La situation pourrait toutefois bientôt s’améliorer. En effet, le gouvernement français a annoncé en février 2025 un quatrième plan national pour les maladies rares. Celui-ci prévoit, notamment, l’élargissement du dépistage néonatal à trois nouvelles pathologies, par dépistage génétique pour les deux premières : l’amyotrophie spinale, les déficits immunitaires combinés sévères (les fameux « bébés bulles ») et le déficit en VLCAD, une maladie métabolique. Toutefois, cette mesure est jugée insuffisante par les associations, qui appellent à un élargissement plus ambitieux.

Vers un dépistage néonatal de nouvelle génération ?

Des projets comme Guardian et Perigenomed ouvrent la voie à un dépistage de nouvelle génération, permettant, via le séquençage génomique, de détecter plusieurs centaines de maladies rares avant l’apparition des symptômes.

Le projet Guardian, mené à l’université Columbia de New York, vise à séquencer le génome de 100 000 nouveau-nés en 5 ans pour y déceler des mutations à l’origine de maladies génétiques que l’on sait traiter. Les premiers résultats, publiés en octobre 2024 dans le Journal of the American Medical Association (ou JAMA), sont encourageants : après un an de tests sur 4000 enfants, une vingtaine d’entre eux ont été diagnostiqués porteurs d’une maladie rare non détectable par le dépistage néonatal classique. Cela a permis d’initier des traitements avant l’apparition de symptômes. En décembre 2024, 20 000 nouveau-nés ont été recrutés dans 6 hôpitaux new-yorkais et testés. Et c’est désormais 400 maladies traitables qui seront recherchées contre 156 en 2022, selon un article publié dans Le Figaro.

Réduire l’errance diagnostic, mettre en place précocement des traitements

Le projet Perigenomed, soutenu par l’AFM-Téléthon, a pour ambition d’étendre le dépistage en France à plus de 850 maladies rares via le séquençage génomique. Ce projet pilote, qui devrait débuter en avril, concernera au départ 2500 nouveau-nés de 5 centres hospitaliers universitaires (CHU) français (Dijon, Besançon, Nantes, Rennes et Angers). Il étendra ensuite le dépistage à 21 000 nouveau-nés de 12 maternités de la région Bourgogne-Franche-Comté. « Le but est de dépister des maladies génétiques graves, souvent neurologiques, cardiaques ou métaboliques, afin de proposer des traitements précoces tels qu’une greffe de moelle osseuse, des médicaments, un régime alimentaire spécifique ou de la kinésithérapie. Cela réduit aussi l’errance diagnostique pour ces pathologies. On passe ainsi d’une médecine de réaction à une médecine préventive et proactive », souligne le professeur Frédéric Huet.

Mais certains parents se montrent réticents au dépistage néonatal recommandé. « Ce refus entraîne une vraie perte de chance pour les enfants concernés », alerte le professeur Huet. Et un bébé sur 120 naît avec une maladie rare.

Florence Heimburger

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