« La Russie est une menace pour la France et pour l’Europe » n’a pas hésité à déclarer le président Emmanuel Macron lors de son allocution télévisuelle. L’humiliation de Volodymyr Zelensky par Donald Trump dans le Bureau ovale et la menace d’arrêter de soutenir militairement l’Ukraine a provoqué un électrochoc en Europe. Les Européens se lancent dans un réarmement sans précédent et s’organisent pour résister à toute attaque sans aucune aide américaine. Si nous devions rentrer en guerre comme l’avait annoncé le président en février 2024, de quelle puissance militaire la France peut-elle disposer ?
La déclaration du président Emmanuel Macron le 26 février 2024 avait déjà provoqué une large déflagration : « Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre ». Laissant supposer sous le terme « en dynamique » que des Français pourraient se retrouver sur le front ukrainien.
Et la déclaration de Vladimir Poutine suite aux tirs de missiles ukrainiens sur son territoire en novembre dernier avait déclenché un nouveau tournant dans cette guerre. Le président russe parlait alors de guerre mondiale et affirmait que « la Russie avait le droit de frapper les installations militaires des pays » qui permettent que « leurs armes soient utilisées ».
Un an plus tard, face aux déclarations de Donald Trump sur son désengagement de l’Ukraine et à la menace russe qui consacre 40% de son budget à son armée, Emmanuel Macron s’interroge même sur l’élargissement du parapluie nucléaire à l’ensemble du continent européen.
Trois ans après l’invasion russe en Ukraine, la fin de la guerre est toujours incertaine avec une stabilisation du front dans l’est du pays. Et surtout, les appétits territoriaux russes poussent les Européens à imaginer une attaque de l’un des leurs et/ou d’un pays membre de l’Otan, notamment dans le cas d’une victoire russe en Ukraine. Dans ce cas de figure, les Européens viendraient à sa rescousse. Ils deviendraient alors belligérants.
La France, première armée de l’UE sera dépassée par la Pologne
Les proches voisins de la Fédération de Russie craignent depuis le début du confit cet appétit et se préparent à toute éventualité. Le 14 février 2024, le chancelier allemand, Olaf Scholz a annoncé que l’Allemagne allait consacrer 2% de son produit intérieur brut à son armement. Pendant ce temps, la Pologne, frontalière de l’Ukraine, de la Biélorussie et de la Russie (Kaliningrad) a décidé dès l’invasion russe en Ukraine de devenir l’armée la plus puissante d’Europe, loin devant les autres. L’objectif est de passer de 115 000 à 300 000 soldats en dix ans (contre 205 000 pour la France) et d’avoir une « grande armée de dissuasion » en produisant et en achetant tout un arsenal de chars, d’hélicoptères, de missiles, d’artillerie mobile, etc.
Suite au mini-sommet de Paris, les Européens sont devenus conscients de leur retard en terme d’armement. Et ils sont tombés d’accord sur l’augmentation des dépenses de défense notamment au regard de l’incertitude sur l’engagement américain de protéger les membres de l’Otan.
Chacun se prépare à sa manière.
La dissuasion nucléaire française, atout unique en Europe
Les Français ont pour habite de fanfaronner. Mais il faut dire qu’en termes de forces armées, nous sommes dans le haut du classement des armées dans le monde.
Tout d’abord, n’oublions pas que nous sommes l’une des rares puissances nucléaires mondiales. Et la seule de l’Union européenne depuis le départ de la Grande-Bretagne. Cela nous vaut d’être l’unique pays européen à être membre permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies. Vous pourriez dire que cela ne fait pas de nous une force capable d’aligner des troupes sur un front. Certes, mais en ces temps troublés, l’expression romaine « si tu veux la paix, prépare la guerre » semble de plus en plus juste.
Il est évident que la dissuasion nucléaire qui porte bien son nom est, tout comme les accords internationaux, une protection. A ce titre, les demandes d’entrées par plusieurs pays dans l’UE et dans l’Otan sont révélatrices de leur importance.
Une armée française complète mais en version bonsaï
Jean-Dominique Merchet, journaliste spécialisé défense et auteur du livre « Sommes-nous prêts pour la guerre ? – L’illusion de la puissance française » parle régulièrement d’armée bonsaï : « Nous avons des satellites, nous avons des sous-marins nucléaires, nous avons des porte-avions, nous avons des forces spéciales, nous avons des chars… Nous avons absolument tout comme l’armée américaine. Sauf que comme nous ne sommes pas les États-Unis, nous l’avons en petit. »
Une armée bonsaï qui possède plus un corps expéditionnaire qu’une armée prête à se déployer sur un front de 1000 kilomètres comme celui de l’Ukraine. Aujourd’hui, nous pourrions projeter seulement 25 000 soldats selon différents experts.
Demain la France ne pourrait pas faire une guerre conventionnelle de haute intensité comme en Ukraine où 700 000 soldats sont mobilisés et tirent plus 5000 obus de 155 mm par jour.
La mobilisation générale décidée par décret
Si nous devions mobiliser plus de soldats, au-delà de l’armée professionnelle et des réservistes (35 000), c’est possible grâce à la loi. Le chapitre premier du Code de la défense détaille : « La mobilisation générale et (…) la mise en garde sont décidées par décrets pris en conseil des ministres. »
Pour autant quand le président Emmanuel Macron déclare qu’en « dynamique, rien ne doit être exclu », il ne sonne pas la mobilisation générale mais reste vague.
Le chef d’état-major des armées, le général Thierry Burkhard, parle d’ailleurs d’une armée française pour « gagner la guerre avant la guerre ».
Là aussi, il s’agit peut-être avant tout de dissuader…
Alexandre Marsat