Massivement utilisés dans l’industrie, les polluants éternels, ou « PFAS » contaminent les sols, l’air, mais aussi les eaux. Pour débarrasser l’eau potable de ces substances nuisibles pour notre santé, les autorités ont parfois recours à des procédés de filtration. Mais ces derniers sont souvent très coûteux pour les collectivités. Le point après le vote de la loi visant à restreindre l’usage de ces polluants éternels
Ils sont présents dans le revêtement des poêles antiadhésives, dans certains textiles ou cosmétiques, mais aussi dans une partie des emballages alimentaires, des médicaments, des mousses anti-incendie et des pesticides. Les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS), véritables couteaux suisses de la chimie, sont utilisés dans une très grande variété d’usages industriels depuis les années 1950.
Des polluants ultra-persistants
« Il s’agit d’une très grande famille qui regroupe les composés dotés d’au moins un atome de carbone relié à deux ou trois atomes de fluor », souligne Pierre Labadie, chercheur en chimie de l’environnement au CNRS et au sein de l’Université de Bordeaux.
Ces composés ont hérité du surnom peu flatteur de « polluants éternels ». La raison ? Ils sont extrêmement persistants dans l’environnement. « La liaison carbone fluor est la liaison simple la plus stable qu’on puisse trouver dans le monde de la chimie organique. Les PFAS sont donc très difficilement, voire pas du tout dégradés dans l’environnement. Résultat : on en retrouve partout sur Terre, et même dans la faune sauvage en milieu polaire ! », déplore Pierre Labadie.
Et on en trouve également dans l’eau du robinet. D’après une enquête menée par France bleu et la cellule investigation de radio France, 43 % des 89 prélèvements effectués en France métropolitaine entre avril et juin 2024 contenaient des PFAS.
Un enjeu de santé publique
Il s’agit d’un véritable enjeu de santé publique, car les études épidémiologiques pointant l’existence d’une association entre l’exposition aux PFAS et la survenue d’impacts néfastes sur la santé s’accumulent. Parmi les effets les mieux documentés, on peut notamment citer une diminution de la réponse du système immunitaire à la vaccination, une hausse du risque de certains cancers, des effets sur le foie, ou encore un risque accru d’hypertension artérielle chez la femme enceinte.
Pour l’instant, ce sont près de 250 000 tonnes de PFAS qui sont encore produits sur le sol européen chaque année. « La contamination peut être liée à des rejets de sites industriels qui fabriquent ou utilisent des PFAS. L’usage de mousses anti-incendie en contenant peut également polluer l’environnement, tout comme l’utilisation de certains pesticides.
On constate aussi des émissions plus diffuses, liées aux usages quotidien de produits comportant des PFAS : il peut s’agir de produits manufacturés, de cosmétiques, d’ustensiles de cuisine ou de textiles techniques. Et en bout de chaine, les milieux aquatiques sont toujours le réceptacle de ces émissions. La problème, c’est que ces PFAS vont généralement se solubiliser parfaitement dans l’eau », indique le chercheur.
Des procédés de filtration très coûteux
Lorsque les nappes sont contaminées, les PFAS peuvent alors se retrouver dans l’eau du robinet. « Afin d’en éliminer une partie, on peut utiliser des filtres à charbon actif au cours des étapes de traitement de l’eau potable », note Pierre Labadie. Mais les PFAS les plus petits passent généralement entre les mailles du filet.
Dans certains cas, il est donc nécessaire de recourir aux procédés dits « d’osmose inverse », précise le chercheur : « il s’agit de forcer l’eau à passer à travers une membrane poreuse, ce qui permet de retenir une partie des molécules sur cette membrane. Cette technique a fait ses preuves, mais elle est relativement énergivore et très couteuse. Il parait donc illusoire d’en équiper toutes les usines de traitement des eaux ».
Au niveau européen, le coût total du traitement des eaux potables et usées pour éliminer les PFAS est estimé à 238 milliards d’euros par an. Alors qui va régler la note ? Un projet de loi visant à protéger la population des risques liés aux PFAS est actuellement en cours de discussion à l’Assemblée nationale. Il sera soumis au vote des députés le 20 février.
S’il est adopté, une taxe « pollueur-payeur » pourrait être instaurée en France, afin de mettre à contribution les industries fabriquant les PFAS au service de la dépollution.
La bataille contre les polluants éternels ne fait que commencer.
Thomas Allard