3 QUESTIONS À Olivier Joie-La Marle, responsable du programme des sciences de l’Univers au CNES. Il nous explique le rôle du satellite Euclid lancé en juillet 2023 qui doit cartographier tout un pan de l’Univers. Il pourrait nous faire découvrir 70% de l’Univers alors que 95% nous échappe. Explications
1 – Que nous reste-il à connaître de l’Univers ?
Il nous reste 95% de l’Univers à connaître. Toutes les observations actuelles convergent vers un Univers dans lequel la matière ordinaire (les êtres vivants, les cailloux, le Soleil, les planètes, etc.) ne représente que 5% du contenu de l’Univers. Il y a 95% du contenu de l’Univers qui nous échappe.
Dans le contenu, il y a de la matière et de l’énergie. C’est le fameux E=mc². Il y a une correspondance entre matière et énergie, on ne peut donc pas parler de la matière et de l’énergie séparément, l’une pouvant se transformer dans l’autre et inversement. Dans l’Univers, il faut parler du contenu global masse-énergie. Et on ne connaît que 5% de ce contenu.
On ne connaît pas les frontières de l’Univers et nous n’avons pas besoin de savoir. Ce sont des domaines où par définition, on ne peut pas mettre en œuvre des tests ou des observations.
2 – Quel sera l’apport du satellite Euclid dans la connaissance de l’Univers ?
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Si Euclid tient ses promesses, il devrait nous lever le voile sur 70% du contenu de l’Univers ! Au passage, il devrait être utile sur les 25 % manquants. Ces 25%, c’est la matière noire. Et les 70% c’est l’énergie sombre (ou noire) : la fameuse énergie qui est responsable de de l’expansion accélérée de l’Univers. C’est vraiment l’un des grands mystères de la période récente.
Il y a plusieurs théories pour expliquer l’énergie sombre. Il y a des théories qui disent que ce serait une constante manquante dans la théorie de la relativité générale. D’autres expliquent que c’est notre compréhension de la force de gravité qu’il faudrait modifier. Cependant aucune n’est complètement satisfaisante et il faudrait les retravailler. Elles expliquent bien ce qu’il y a autour de nous comme les planètes et les étoiles mais à grande échelle (galaxies lointaines), cela ne fonctionne plus très bien. Nos équations ne sont peut-être pas assez précises.
L’enjeu pour cela c’est d’observer l’accélération de l’Univers à toutes les époques. Pour l’instant, nous n’avons pas pu regarder à toutes les périodes et ce sur une grande partie du ciel. Il faut voir si cela s’accélère partout pareil et si l’accélération telle qu’on la comprend aujourd’hui est bien cohérente de celle qui a eu lieu au départ, au milieu de la vie de l’Univers mais aussi récemment.
Cela devrait nous permettre d’éliminer une grande partie des théories pour ne garder que la bonne.
3 – Pourquoi est-il important de connaître l’histoire de l’expansion de l’Univers ?
Cela relève de la métaphysique : pourquoi se pencher sur des questions qui ne vont pas changer ma vie. On touche ici du doigt la notion d’acquisition de la connaissance de l’esprit humain.
De manière pragmatique, le fait de savoir où sont les étoiles avec grande précision comme le fait le satellite Gaia de l’ESA, nous a permis d’améliorer le pointage des satellites et la navigation interplanétaire. Ou encore, les travaux théoriques d’Einstein et d’autres sur la relativité générale ont permis, parmi beaucoup d’autres choses, l’invention du GPS près de 70 ans plus tard.
On ne peut pas exclure qu’un jour on découvre que l’énergie noire joue un rôle dans nos activités, rôle infime mais qui demain pourrait gêner de nouvelles applications.
Nous sommes faits pour explorer, et cela veut dire aussi comprendre l’Univers que l’on peut voir.
Propos recueillis par Alexandre Marsat
Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
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