Des découvertes archéologiques surprenantes sur l’Île de Ré viennent d’être officialisées par l’Inrap. Sur un site médiéval, des sépultures avec des objets inconnus ici, probablement venus du Nord, ont suscité un emballement médiatique laissant croire qu’ils s’agissait de Vikings. Frisons, Saxons ou Vikings, que savons-nous de cette découverte ? Le point avec la directrice scientifique des fouilles, Annie Bolle

Quelles types de recherches archéologiques effectuez-vous sur l’île de Ré ?

Annie Bolle : L’Inrap est intervenu dans le cadre d’archéologie préventive sur un site localisé sur la commune de La Flotte avant une construction nouvelle. Une fouille a été prescrite car nous sommes à proximité d’une villa du Haut-Empire. Les sondages réalisés ont confirmé la présence d’un site médiéval entre le VIIIe et le XIe siècle. Il y a un bâtiment central qui correspond certainement à la chapelle d’un prieuré. On l’interprète comme une chapelle car nous avons trouvé des fours à cloche qui étaient construits dans les églises ou proximité immédiate.

Et la deuxième raison, c’est que l’on est en présence de sépultures installées dans le bâtiment au XIVe ou XVe siècle.

Autour ce bâtiment, on a une zone funéraire qui se développe au sud et puis à l’est du bâtiment. Et il y a des sépultures qui sont datées entre le VIIIe et le XVe siècle.

Sépultures installées dans le bâtiment, possible chapelle, avec au centre des fours à cloche du début du XIIIe siècle. Photo Clémence Pilorge, Inrap

Qu’est-ce qui nous met sur la piste de sépultures de peuples nordiques ?

Annie Bolle : Dans toute cette zone funéraire, il y a un petit groupe de cinq sépultures qui comprend du mobilier. La datation au carbone 14 réalisée sur un individu de ce secteur donne un intervalle entre l’an 772 et l’an 972. Or, normalement, pour cette période-là, nous n’avons pas de mobilier dans les tombes pour notre région Centre-Ouest à l’époque carolingienne.

Peigne en os ou bois de cervidé. Photo Marion Poux, Inrap

Et ce mobilier n’est pas anodin. Ce n’est pas celui que l’on trouve dans le contexte d’habitats à proximité mais du mobilier qui est d’origine nordique. Nous avons découvert des peignes comme ceux que l’on connaît chez les Frisons au IXe siècle. Mais aussi des éléments de parures comme des perles qui ont, pour au moins l’une d’elles, des comparaisons en Irlande. Ou encore une boucle de ceinture qui nous ramène plutôt vers le monde anglo-saxon. Nous avons donc une diversité d’origines pour l’instant. C’est une sortie de fouilles, les études et les analyses doivent être réalisées pour affiner tout cela. Mais globalement cela vient du monde nordique autour de la mer du Nord et de la mer celtique.

En quoi ces fouilles sont surprenantes et riches d’apprentissages ?

Annie Bolle : C’est surprenant parce que ces tombes nous livrent un mobilier particulier à une époque où normalement les individus ne sont plus inhumés habillés ni avec des accessoires vestimentaires ou des objets de parures personnels.
Et nous avons un élément nouveau qui nous met en contact avec le monde nordique. On sait qu’à cette période l’Europe est davantage tournée vers le Nord. Charlemagne fait d’Aix-la-Chapelle la capitale de l’empire carolingien. Pour autant, nous n’avons pas obligatoirement la trace de ces échanges jusqu’à chez nous, en dehors des ports marchands et encore moins dans un contexte funéraire.

Pouvons-nous parler de Vikings sur l’Île de Ré ?

Annie Bolle : Tout d’abord, les Vikings ne sont pas un peuple particulier mais des personnes qui prennent la mer pour faire du commerce ou réaliser des raids. A ce moment-là, il y a énormément de peuples qui commercent et notamment les Frisons et les Anglo-Saxons.

Individu inhumé tête au sud avec un collier de perles et un bassin en fer. Photo Yohan Manthey, Inrap

Pour le moment, nous ne savons pas si les personnes inhumées sur l’Île de Ré sont des locaux. Ces derniers auraient choisi pour des raisons inconnues pour l’instant de se faire enterrer avec du mobilier dans leur tombe. Ou bien des personnes de passage.

Pour l’instant, rien ne nous permet de parler de Vikings. Nous entrons dans la phase d’études et d’analyses. Une fois que le mobilier sera restauré, nous pourrons le manipuler pour l’étudier.

On réalisera des études typochronologiques : comparer avec d’autres objets découverts ailleurs et comparer les techniques de fabrication, etc. Ensuite, on pourra les analyser. C’est le cas des peignes où l’analyse de l’ADN pourra nous donner des indications précises. S’il est fait avec du cerf, la région est vaste, si c’est du renne, cela va rétrécir le champ des provenances…
C’est la même chose pour les individus. On va réaliser des analyses paléogénétiques qui vont pourvoir nous donner des indications sur le sexe, la parenté et peut-être aller jusqu’à l’origine génétique des individus.

Propos recueillis par Alexandre Marsat

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