3 QUESTIONS À Anne-Marie Desaulty, chercheuse en géochimie isotopique au BRGM. Elle travaille sur l’isotopie du lithium. C’est un élément indispensable aux batteries. Au moment, où l’on s’interroge sur les impacts sociaux et environnementaux du lithium, l’isotopie permet d’avoir une véritable empreinte digitale pour savoir d’où vient le lithium de notre batterie. Explications

1-Quel est l’usage des batteries au lithium ?

Le lithium est l’or blanc du XXIe siècle. On le retrouve dans tout ce qui est batterie rechargeable : dans les appareils électroniques portables mais aussi pour tous les moyens de transport électriques (vélos, scooters, voitures). C’est aussi utilisé pour le stockage d’énergie stationnaire (solaire et éolien).

On retrouve le lithium dans la cathode de la batterie rechargeable (entre 5 et 10%) associés à d’autres métaux. Généralement ce sont des batteries qu’on appelle NMC (nickel, manganèse, cobalt) ou NCA (nickel, cobalt, aluminium) ou LFP (lithium, fer, phosphate). Même associé à d’autres éléments, on retrouve toujours du lithium dans la cathode. Avec l’électrification des véhicules, les impacts environnementaux et sociétaux liés l’exploitation du lithium peuvent être plus forts. Sans compter l’attente des consommateurs face à cela.

2- Pourquoi et comment tracer l’origine du lithium ?

Dans l’industrie alimentaire, avec les AOC ou l’étiquetage des fruits et légumes, on s’intéresse à l’origine des produits et à leur mode de production. Or, pour les nouvelles technologies, on ne sait pas où et comment ont été exploités les métaux que l’on retrouve dans nos batteries.

Pour le lithium, il y a deux principaux gisements : les roches dures venues d’Australie, du Canada et de Chine et les  saumures des salars sud-américains. L’exploitation de ces gisements vont avoir des impacts environnementaux et sociétaux assez différents.

L’exploitation des saumures consommant de grandes quantités d’eau, cela peut provoquer des pénuries d’eau. Le lithium d’Australie envoyé en Chine pour être traité va avoir un bilan carbone 3 fois plus élevé que celui produit à partir des salars du Chili et d’Argentine.

On cherche à certifier l’origine du lithium pour la défense d’une filière durable et responsable et dans l’objectif de réindustrialiser la production des batteries en France. En 2027, toutes les voitures électriques seront d’ailleurs vendues avec un passeport de batterie numérique pour suivre l’origine et l’empreinte carbone de sa production jusqu’au recyclage.

On développe pour y parvenir la traçabilité géochimique. Pour cela, notamment grâce à l’isotopie du lithium, chaque gisement aura son empreinte digitale. Cela nous permettra de distinguer différents types de gisements. Cette identification sur laquelle je travaille avec mes collègues du BRGM a fait l’objet d’une publication dans Nature Communications et des travaux sont en cours dans le cadre du projet européen MADITRACE .

3-Quel parcours vous a mené à devenir chercheuse au BRGM ?

J’ai fait des études de physique à Paris VII et un master en archéométrie à Bordeaux pour étudier et dater des objets archéologiques. Ensuite, j’ai réalisé un doctorat au CEA Saclay puis un post-doctorat à l’ENS de Lyon avec Francis Albarède. C’est là où j’ai commencé à travailler sur l’isotopie de l’argent pour étudier l’impact de l’arrivée de l’argent du Nouveau Monde en Europe au XVIe siècle. Après un autre post-doctorat en Belgique pour développer la datation des météorites à l’ULB, j’ai été recrutée au BRGM.

Au début, je travaillais sur l’origine des pollutions dans les eaux et les sols grâce à l’isotopie des métaux, avant de travailler sur la traçabilité des géomatériaux .

C’est un métier-passion dans lequel il ne faut pas hésiter à s’investir pleinement.

Propos recueillis par Alexandre Marsat

Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

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