3 QUESTION À Mioara Mandea, géophysicienne au CNES. Un cycle de 6 ans a longtemps été reconnu dans la rotation de la Terre, le champ magnétique interne et les mouvements dans le noyau fluide de la Terre. Mais un cycle de 6 ans a été aussi découvert dans le système climatique. Explication des mécanismes et des conséquences.

1 – Qu’est-ce qui nous permet de comprendre ce qui se passe à l’intérieur de la Terre ?

La Terre est constituée de plusieurs couches distinctes. En dessous des enveloppes fluides de surface (l’atmosphère et l’océan), la couche solide la plus externe est la croûte terrestre, une très fine enveloppe composée de roches. C’est un peu comme la peau d’une pomme. En dessous, se trouve le manteau terrestre, séparé en deux parties dont la partie supérieure, plus chaude, permet les mouvements des plaques tectoniques. Et sous le manteau, se trouve le noyau, lui aussi en deux parties. Le noyau externe, fluide, est constitué principalement de fer et de nickel, et à l’intérieur, le noyau interne, solide, de la même composition. Ces différentes couches interagissent par des échanges thermiques ou des mouvements convectifs de matière. Cela influence la dynamique de l’intérieur de la Terre.  

Comme le noyau est situé à environ 3000 kilomètres sous la croute terrestre, on ne peut pas l’observer directement. En revanche, des mesures indirectes basées sur la sismologie, l’étude du magnétisme terrestre, le champ de gravité et la rotation de la planète nous fournissent des informations très précieuses sur le noyau terrestre.

La vitesse de rotation de la Terre n’est pas uniforme ; elle présente des petites variations à différentes échelles de temps. L’étude de ces fluctuations nous informe sur la répartition des masses à l’intérieur de la Terre. C’est un des objectifs du projet européen  GRACEFUL, dont je coordinatrice, à coté de Véronique Dehant et Anny Cazenave.

2 – Quelles sont les interactions entre l’intérieur de la Terre, les océans et l’atmosphère ?

Dans le cadre du projet GRACEFUL, nous avons cherché à comprendre les processus dynamiques à l’intérieur de la Terre en exploitant les observations satellitaires du champ magnétique, de la gravité et de la rotation de la Terre. Notre étude intègre aussi des observations relatives à l’océan et l’atmosphère. Cette approche intégrative nous a permis de mieux comprendre le fonctionnement de l’intérieur de la Terre.

Ce qui nous a particulièrement intrigués c’est l’existence d’une oscillation d’environ 6 ans dans les différents composants du système terrestre. Cette oscillation est observée dans les mouvements du noyau fluide interne, dans le champ magnétique terrestre et dans la rotation de la terre. Et contre toute attente, nous avons aussi détecté ce cycle de 6 ans dans plusieurs paramètres climatiques. Par exemple, dans  le niveau de la mer, les précipitations, les eaux et les glaces continentales, la température de surface des régions arctiques, le contenu thermique des océans et les  vents zonaux (qui soufflent d’ouest en est)  dans l’atmosphère. Cette découverte inattendue a suscité nombre de nouvelles questions.

3 – Quels sont les mécanismes à l’origine du cycle de 6 ans qui affecte l’ensemble du système Terre ?

C’est LA question qui nous intéresse ! Lorsqu’on a commencé à observer ce cycle de 6 ans, on s’est bien sûr demandé quelle est son origine. On a émis plusieurs hypothèses basées sur différents types d’interactions entre les différentes composantes du système Terre : par exemple une origine profonde dans le noyau liquide influant sur la rotation du manteau terrestre, cette dernière affectant la circulation atmosphérique et le climat.  L’inverse (circulation atmosphérique modifiant la rotation de la Terre, et celle-ci influant sur les mouvements dans le noyau) a aussi été envisagé. Enfin une origine externe au système Terre fait partie des mécanismes que l’on ne peut exclure.

Notre objectif n’était pas de fournir une explication définitive mais plutôt de soulever des questions nouvelles dont, nous l’espérons, la communauté scientifique internationale va chercher à s’emparer.

Il est clair aujourd’hui que pour comprendre le fonctionnement du système Terre, il faut le considérer dans son ensemble dont les différentes composantes interagissent entre elles de façon complexe sur les échelles de temps et d’espace extrêmement variées. Ce sont de nouveaux champs de recherche multidisciplinaires impliquant différentes disciplines, telles que la géophysique interne, la géodésie, l’océanographie, l’hydrologie, les sciences de l’atmosphère et du climat, les relations Terre-Soleil, la physique spatiale et même l’astronomie.

Propos recueillis par Alexandre Marsat

Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

Fermer la popup
?>